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La loi CO2 risque ou chance pour l’économie ?

A une semaine de la votation, je jette un dernier coup d’oeil dans le rétroviseur de la campagne et que voit-on ?

Le flot des nouvelles, internationales pour la plupart, concluant à la nécessité impérieuse d’aller vers la décarbonation de nos sociétés n’arrêtent pas.

On y trouve aussi des nouvelles plus directement en lien avec notre pays, comme celle-ci :

Dans la masse, j’ai noté une annonce dont on pourrait croire qu’elle a été produite juste pour l’article de ce jour :

Ce n’est bien sûr pas le cas, mais elle situe idéalement l’enjeu du débat, et donc posons-nous vraiment la question sans tabou, la loi CO2 proposée représente-t-elle une entrave ou un soutien à l’économie ?

Aujourd’hui, notre économie nationale tourne globalement avec un mix constitué majoritairement de fossile. Entre les combustibles pétroliers (=mazout), les carburants (essence, diesel), le gaz, et la part d’électricité produite à partir d’uranium, nous atteignons une part fossile ou non-renouvelable de l’ordre de 75 %. (source : statistique globale suisse de l’énergie 2019, OFEN).

Vouloir sortir du fossile représente donc objectivement une révolution, le nier n’apporte pas une contribution utile au débat.

Oui, mais voilà nous ne sommes pas les seuls à le faire. D’autres pays, très proches de nous aussi bien géographiquement qu’en terme de développement économique ont annoncé des objectifs encore plus ambitieux que nous, comme par ex. l’Allemagne.

L’exemple du câble ci-dessus est très significatif : il y a un énorme marché à prendre et les premiers seront les mieux servis !

Pour paraphraser le slogan de la première crise pétrolière : en Suisse, on n’a pas de pétrole, mais on a de la valeur ajoutée !

Et effectivement, notre économie génère l’essentiel de sa richesse par des services à forte valeur ajoutée (comme le monde de la finance), ou de l’industrie incluant également une telle composante (ex. les pharmas, ou Nespresso, …).

Conséquemment, l’image de notre pays à l’étranger est le premier poste du bilan à l’actif de l’entreprise “Suisse SA”.

Endommager cette image pour un gain à court terme relève du très mauvais calcul stratégique.

Le câble allemand montre que les autres économies n’attendent pas, tout spécialement nos concurrentes directes.

Notre pays vit, au sens littéral du terme puisque notre agriculture n’arrive qu’à nourrir à peine 50 % de la population, de la valeur ajoutée et donc de l’innovation. L’attitude de repli cherchant à bloquer ou au minimum ralentir la transition énergétique correspond à un pur et simple auto-goal.

Par ailleurs, l’étude des statistiques de l’OFEN, des rapports de l’Union Pétrolière Suisse, et quelques autres sources complémentaires montre que le total de la vente des produits fossiles dérivés du pétroles se situe à environ 12 milliards de CHF / an. Une part essentielle de cette somme part à l’étranger et ne retourne pas dans nos circuits économiques locaux.

Si on admet que seulement la moitié de cette somme pourrait rester en Suisse, soit donc 6 milliards de CHF/an, nous recevons donc “gratuitement” (puisqu’il s’agit d’argent qui ne serait plus dépensé) un stimulus de notre économie à hauteur de 0.75 milliard par million d’habitant par an.

Cela mérite d’être comparé, par ex. avec le plan de relance de la Commission Européenne à hauteur de 750 milliards EUR = 825 milliards CHF pour 446 millions d’habitants, et donc un stimulus total de 1.84 milliards CHF par million d’habitants à répartir sur les années 2021 à 2023, soit 0.61 milliards CHF par million habitants-an.

La loi CO2 va donc créer un stimulus dans notre pays supérieur à celui du plan de relance de la Commission Européenne avec en plus l’avantage que celui-ci ne fera pas appel à de l’endettement (et donc un fardeau pour les générations futures), mais sera gagné par une économie permanente et se renouvellera donc au fil du temps.

Rajouter à tout ce qui précède le risque que je vous mentionnais dans l’article “Loi CO2, nécessaire versus insuffisante pour l’environnement ? ” de subir une pénalisation via une taxation CO2 pour nos entreprises exportatrices et le lecteur raisonnable ne peut que conclure à l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre la loi prévue.

En réalité toute cette campagne de votation n’existe que par la volonté et l’argent d’un groupe économique défendant son pré-carré au détriment de l’intérêt de tous !!! On pourrait presque parler de traîtres à la patrie !

Il faut voter OUI à la loi aussi CO2, aussi bien pour garantir notre indépendance de l’étranger, que pour protéger les plus démunis de notre société, que pour préserver notre environnement pour les générations futures, et aussi pour positionner nos entreprises de la meilleure façon face à la concurrence mondiale.

Laurent-David Jospin