Alors cette LOI CO2, sociale ou pas ?

On garde ses bonnes habitudes et vite un petit coup d’oeil dans le rétroviseur de la campagne.

On voit que nos adversaires matraquent avec essentiellement deux mensonges :

Le premier, l’abject : Notre loi CO2 n’aura(it) aucun effet sur le réchauffement climatique. Qualifier cette affirmation d’ignoble reste encore sur la retenue. Bien évidemment, notre participation à l’effort planétaire doit et ne peut se faire qu’à hauteur de notre importance relative en terme de population et niveau de vie. Comme nous sommes 8 millions de Suisses contre 8 milliards d’humains sur la planète, notre contribution se situe de l’ordre du millième. Oui bien sûr, mais si nous, qui appartenons aux plus riches de cette planète, ne faisons pas notre juste part, pourquoi les plus pauvres le feraient ??? Ce mensonge relève d’un égoïsme et d’une irresponsabilité sans limite.

Le deuxième, le stupide : La loi CO2 va pénaliser les plus pauvres de notre pays. Puisque le but de ce post est justement d’évoquer les aspects sociaux de la loi, je me contente ici de rappeler que le réchauffement climatique impactera justement les plus pauvres, car ils ne pourront pas prendre les mesures onéreuses pour se protéger. Au surplus, nous allons développer cela un peu plus loin.

Indépendamment de ceci, les nouvelles internationales clefs n’arrêtent pas d’arriver ces derniers temps.

Nous découvrons sur le site de la RTS, que l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) recommande maintenant de renoncer à tout nouvel investissement dans les énergies fossiles.

Quand on connaît l’influence des pays producteurs de pétrole et gaz dans cette institution, c’est presque incroyable et cela montre bien que subitement dans les hautes sphères dirigeantes, on commence d’avoir sérieusement peur des conséquences du réchauffement climatique.

Par ailleurs, le G7 va même un pas plus loin puisqu’il veut cesser de subventionner le charbon, ceci inclut donc les centrales actuellement en activité. L’incidence sera très significative sur le prix des énergies, notamment de l’électricité en Europe qui est actuellement pollué autant au sens figuré que propre par du charbon subventionné utilisé dans des centrales déjà amorties et en fin de vie.

Si vous lisez l’article complet sur le site de la RTS, vous découvrirez que sans aucune ambiguïté, on nous annonce que cette mesure légitimera de contraindre les pays qui ne feraient pas leur part du travail !

Et maintenant, alors, sociale ou pas cette loi CO2 ?

Dans le débat public, l’attaque est un peu toujours la même et ressemble assez à celle déposée sur la page FB du blog :

Monsieur Rubner répète ici un argument, que je suppose avoir été préparé par quelques têtes pensantes, qui passe en boucle lors de chaque débat, à résumer en “c’est injuste pour ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture, de leur chauffage au mazout, ….”.

La réponse amenée par les débatteurs de notre camp, même si intrinsèquement correcte, me laisse sur ma faim. En effet, on évoque la redistribution via l’assurance maladie et on se lance dans des calculs d’apothicaire pour savoir qui va gagner et qui va perdre.

Ces calculs me désolent, car ils font complètement l’impasse sur une réalité basique, à savoir que le but de la loi est d’induire une modification des comportements. Et dès lors, il suffit de voir les faits pour constater que cette soi-disante punition des automobilistes contraints de l’être n’existe pas, si on fait les bons choix.

Regardons cela en détail (les feuilles de calcul sont à disposition sur demande), je prends ici comme exemple fictif mais basé sur une famille habitant dans un coin perdu du Jura ayant fait l’objet d’un reportage sur la RTS. Elle a impérativement besoin d’un 4×4, et nous retiendrons donc un 4×4 d’entrée de gamme à CHF 40’000.– roulant 30’000 km par année avec une consommation de 6 lt/100.

La famille a conclu un leasing avec valeur résiduelle 0 sans apport sur 60 mois à un taux de 3.5 %, elle va payer globalement CHF 728.– de mensualité leasing, et 30’000 km /100 km * 6 lt = 1’800 lt d’essence à un tarif de CHF 1.6 /lt, donc CHF 2’880.– essence.

Nous obtenons donc 12 * 728 + 2’880 soit CHF 11’616.– hors assurance et taxes.

Et maintenant, soit la même famille qui achète un 4×4 tout électrique avec 500 km d’autonomie (j’ai personnellement testé le véhicule sur lequel je base mon calcul, c’est vrai!) à CHF 50’000.–. Ce modèle montre une consommation effective de l’ordre 12 kWh/100 km, pour le calcul je retiendrai 15 kWh à 15 cts / 100 km (supposition 50 % de la charge en heures pleines, 50 % en heures creuses).

La famille a conclu le même leasing (60 mois, taux 3.5 %, apport zéro, valeur résiduelle zéro).

Elle va payer CHF 910.–/mois de leasing, et donc 30’000 / 100 * 15 * 0.15 soit CHF 675.– en électricité.

Au final, cette famille paye dans cette deuxième variante “taxe CO2 free” 12 * 910 + 675 soit CHF 11’595.–.

Soit une différence de CHF 21.–/année !!!! Je ne relève même pas que les CHF 21.– sont en faveur du véhicule électrique, ce qui compte est qu’en prenant les bons choix la situation ne sera pas péjorée significativement sur le plan économique.

Bien sûr, on peut faire jouer les paramètres et essayer de modifier le résultat final, mais si on se base sur un 4×4 essence encore moins cher, la consommation monte ! Si on se réfère à des taux leasing 0 %, le résultat devient outrancièrement en faveur du véhicule électrique, etc etc . Bref, si on reste honnêtes sur les choix de scénario à comparer, il se dégagera toujours une quasi équivalence.

En ce qui concerne les chauffages à mazout, il existe aujourd’hui d’excellente PAC. On peut sans autre refaire l’exercice ci-dessus de la voiture. Au final, ce sont les choix personnels qui détermineront le résultat.

La question économique évacuée, il reste un point beaucoup plus fondamental à mentionner, quid du futur ?

En effet, nous oublions toujours trop vite les conséquences du réchauffement climatique. Les modèles convergent tous vers des épisodes caniculaires plus fréquents, plus intenses et plus longs.

Le besoin en protection contre les conséquences de ces canicules croîtra donc de manière importante et cela va coûter !!!!

On pense bien sûr à la climatisation, mais en réalité il ne s’agit que d’un aspect minime, presque secondaire. Avec des canicules à ce point si violentes, les rendements agricoles s’effondreront. Le coût de la nourriture va donc monter, ne serait-ce qu’en fonction du coût de l’eau d’arrosage, mais aussi des productions plus faibles à l’hectare. Si nous voulons conserver une filière laitière dans notre pays, nous devrons importer toujours plus de fourrage et de toujours plus loin.

Et puis il y a la question migratoire. Actuellement, nous vivons un psychodrame pan-européen pour quelque chose qui doit se situer de l’ordre de 20 à 25 millions de réfugiés. Les scénarios des agences de renseignement pronostiquent qu’environ 500 millions de personnes se mettront en mouvement rien qu’en Afrique si on ne lutte pas (beaucoup) plus contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

L’argument comme quoi on punirait la classe moyenne avec la loi CO2 est donc non seulement faux, mensonger, mais aussi complètement stupide, car c’est en premier lieu les moins favorisés de notre société qui ont urgemment besoin d’une action déterminée et urgente contre le réchauffement climatique !

Laurent-David Jospin

7 thoughts on “Alors cette LOI CO2, sociale ou pas ?

  1. Horace de Bros

    Voici un bel exemple de malhonnêteté intellectuelle! Votre comparaison entre le 4×4 électrique et thermique est fortement faussée par le prix du kW/heure à 15 centimes, ce kW/heure doit être compté à au moins 50 centimes pour tenir compte des taxes sur les carburants qui servent à entretenir le réseau routier (ça n’a rien à voir avec les taxes CO2) que les véhicules électriques utilisent gratuitement et injustement gratuitement à ce jour (un peu comme un véhicule Diesel qui utiliserait du mazout de chauffage).
    Et ce n’est pas tout… Les batteries de ces voitures électriques représentent un lourd fardeau pour l’environnement qu’on oublie volontairement dans ces calculs…
    Et puis l’électricité… il faut la produire et nous n’avons, en Suisse, plus aucune réserve de production à cause des recours écologistes contre les éoliennes et contre les petites centrales hydrauliques. De plus les nouvelles loi sur l’eau font perdre des capacités de production importantes à l’hydroélectricité.
    A l’heure actuelle, une voiture électrique, en Suisse, consomme donc du courant importé, issu pour une grande partie de centrales au charbon, soit en Allemagne, soit en Pologne, et c’est ce courant qui s’achète pour les fameux 15centimes par kW/heure dont vous parlez… du courant plus propre… est plus cher!
    Aujourd’hui, chaque nouvelle voiture électrique vendue en Suisse est en réalité une voiture à charbon qui ne paye pas son usage de la route (comme celui qui met du mazout de chauffage dans son réservoir). La voiture ne fume pas… en Suisse… mais en Allemagne ou en Pologne!

    Quant aux fameuses PAC, leur rendement fait que leur utilisation fournit à peu près la même énergie thermique que celle investie dans la fabrication de l’électricité qui doit les alimenter… Une manière bien compliquée d’utiliser le charbon ou le gaz ou le mazout. La combustion directe, sur place, du combustible est donc, du point de vue des émissions, à peu près similaire, là aussi, la fumée sort ailleurs…

    La vraie question reste fondamentale et bien plus épineuse… l’énergie (et une grande partie de l’énergie est encore d’origine fossile) est ce qui rend nos vies plus faciles, plus confortables et plus sûres que celles de nos aïeux d’avant la “révolution industrielle”. En plus, à cette époque, il n’y avait sur terre qu’un dixième de la population actuelle. L’idéal d’une énergie “décarbonée” ne se fera pas sans une réduction massive de notre niveau de vie et dans le “notre” il n’y a pas que les “autres” ou les “riches”. Les objectifs de réduction des gaz à effets de serre de 50% d’ici l’année 2030 représentent une récession comparable à celle induite par le Coronavirus en 2020 (qui a induit une réduction des émissions de 8 pourcent), répétée chaque année, jusqu’en 2030… Je pense que très peu de gens sont d’accord pour accepter une telle réduction à moins d’y être forcés, soit par une tromperie, soit par la force. La tromperie est en cours et la force risque de suivre… on a donc un gros dilemme en l’écologie selon les partis verts et la liberté… pensez-y!

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    1. admin Post author

      Argument contre argument, il est très facile de démontrer de quel côté se trouve la mauvaise foi :
      15 cts pour les kWh pas assez cher ? La réalité, si vous les produisez vous-même sur votre toit, vous les obtenez à 3-4 cts !
      L’essence surtaxée ??? La réalité, on ne compense même pas la moitié des dommages induits par les particules fines et autres polluants générés !! Et si on prend en compte les conséquences géo-stratégiques comme le fait que cela finance le terrorisme, on devrait payer le litre à CHF 5.– !!!!
      Et pour la récession, c’est au contraire une chance de relancer l’économie sur un green new deal.
      … On a donc un gros dilemne, ou nous prenons aujourd’hui les mesures nécessaires pour rester dans un monde vivable sur la durée, ou nous vivrons un effrondrement de notre civilisation … pensez-y !

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  2. pssst008

    Les éléments sont intéressants. Ceci dit un “pauvre” suisse peut acheter un véhicule d’occasion sans leasing et s’en sortira à moins cher que la voiture électrique. Il économisera de l’énergie grise, mais paiera des taxes sur l’essence. L’incitation n’y est pas pour le pauvre. Par contre, celui qui veut du neuf et du leasing (les sociétés de financement vous remercient) sera effectivement incité et là ce sera un bonne chose, car l’énergie grise existe dans les 2 types de véhicules.

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    1. admin Post author

      La remarque de la possibilité d’acheter un véhicule d’occasion n’est, certes, pas fausse; mais elle soulève d’autres questions comme les frais d’entretien ou la consommation plus élevée d’un véhicule âgé. Cela compliquerait et rallongerait tellement la réflexion, qu’elle en deviendrait peu digeste. Je me permettrai de conclure que les véhicules déjà existants doivent être utilisés tant que cela reste possible d’un point de vue sécurité, mais qu’il est urgent de basculer vers le zéro carbone pour le renouvellement de la flotte (ce qui a bien l’air d’arriver d’ailleurs).
      Le problème de l’énergie grise est bien réel et certains cantons ont commencé à en tenir, un peu, compte via des tarifs dégressif au fil du temps pour les plaques. Toutefois, un jour il faudra bien s’y attaquer nettement plus frontalement, vraisemblablement en interdisant ou en taxant l’obsolescence programmée.

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  3. Miro

    Le débat actuelle (sur la la loi CO2, et par extension sur la crise climatique) est très intéressant. Il nécessite toutefois de beaucoup s’y intéresser, d’être scientifiquement curieux (sans devenir docteur soit) et de faire preuve d’ouverture d’esprit.

    Par définition, on pourrait résumer que je fais partie de la case des pollueurs. J’habite à la montagne, me chauffe au bois (toujours mieux que du mazout me direz-vous) et roule dans un 4×4 diesel. Or, je n’aime pas ces étiquettes. Les différents débats de ces dernières années montrent à quel point, en se positionnant contre ou pour, même juste un peu, même sur un détail futile, on est casé dans une catégorie minimaliste, sans nuance. Pollueurs vs écolos.

    J’arrive personnellement à un point de friction entre certaines de mes convictions (volonté d’être acteur de ce changement), ma réalité journalière et les possibilités qui me sont offertes. Ces trois éléments s’influencent mutuellement. Dilemmes moraux en perspective, au delà des sacro-saints calculs financiers.

    J’en veux pour exemple la question de la mobilité. J’habite en montagne. Mon ancien véhicule a rendu l’âme et il me fallait retrouver un moyen de mobilité. Mon village a la chance incroyable d’être relié à la plaine par voie ferroviaire. Malheureusement cette variante n’est pas viable (temps de trajet triplé! malgré un cout annuel 5 à 10 fois moindre). L’opportunité d’une voiture électrique s’est posée. Rapidement, outre les facteurs financiers et environnementaux, d’autres éléments viennent peser dans la balance : habitabilité, praticité, éventuellement style. Je n’ai pas trouvé mon bonheur dans les voitures électriques proposées sur le marché à ce jour. Un peu en désespoir de cause, une bonne vieille voiture thermique restait mon seul choix (ou faire le trajet à vélo…).

    On vante certaines solutions (voiture électrique, énergie renouvelables, etc…) comme des miracles, mais ce n’est qu’un (demi)-mirage. Certes, c’est un pas dans la bonne direction, mais il faut que chacun y trouve son compte, ce qui n’est, à mon sens, actuellement pas (encore) le cas.

    Pour faire le lien avec votre article, je suis relativement d’accord lorsque l’on dit, qu’en finalité, pour un quidam commun, il n’y aura que peu de différences financières avec la loi CO2. Je pense que cela s’adresse surtout à un public plus à l’aise (grosses voitures, voyages en avion fréquents, etc…).

    J’essaie de compiler les arguments de tous les bords pour me figurer mon avis, et plus je me renseigne, plus je me trouve dans une impasse : oui, il faut agir pour l’environnement, mais, pour moi, oui la loi rate sa cible. Inciter, c’est bien, mieux que rien, mais cela ne résoudra en finalité rien. Il est peut être temps de repenser notre rapport à la mobilité (voyages, vacances, pendularité?), à la consommation (commerce en ligne, monde global et connecté). Pour cela, il faudra du temps et de l’éducation. J’aime croire que nous sommes sur la bonne voie, car les jeunes générations (tout du moins une partie) en sont imprégnées.

    Le sort de la loi CO2 n’est, malgré l’urgence climatique que moins en moins de monde remet en question, pas encore acté, et je m’attends à un vote serré. Mon avis reste partage comme rarement lors d’une votation… (merci du débat et de la lecture)

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