Récemment, j’ai eu l’occasion de participer comme orateur à des débats sur l’initiative connue sous le nom Ecopop, dont le titre complet réel est “Halte à la surpopulation – oui à la préservation durable des ressources naturelles“.
La dernière présentation dans le cadre du parti vert’libéral neuchâtelois était particulière à plus d’un titre. En premier lieu, car si je défendais la position de notre comité directeur national, pour cette fois exceptionnellement la responsabilité de présenter les arguments des initiants m’incombait également. Et d’une manière générale, même si je n’adhère pas du tout à la solution préconisée, il n’en reste que sur le constat de base posé par les initiants, je ne puis qu’admettre la pertinence des craintes soulevées.
L’exercice de vous faire revivre dans un post écrit une conférence pensée oralement accompagnée d’une présentation constituée essentiellement d’animation relève clairement de la gageure. Toutefois, en simplifiant la présentation et en restant à un niveau relativement superficiel du discours, j’espère pouvoir vous donner un aperçu satisfaisant. Donc, en clair vous ne voyez ici pas toutes les diapos, ni n’avez le discours complet, mais juste une sélection espérée la plus pertinente possible. Le texte lié à chaque image se trouve en dessous.

Sans exagérer dans l’auto-encensement , il me semblait pertinent de relever que j’ai une bonne légitimité à traiter ce sujet. Ma responsabilité de co-dirigeant du groupe de travail sur la thématique “croissance économique infinie dans un monde fini”, ainsi que la très longue séance d’échanges à Zürich avec Monsieur Benno Büeler membre influent du comité d’initiative ont notamment contribué à me faire étudier le sujet comme très peu l’ont fait.

Voici l’image choc utilisée par ECOPOP pour soutenir leur argumentation, une pauvre petite planète écrasée par une empreinte environnementale humaine (footprint en anglais) visiblement très, voir trop, lourde.

Ce strip résume un des credo de l’association Ecopop : parler de contrôle de la population humaine est tabou et n’entre donc pas en ligne de compte. On peut d’ailleurs relever que le nom même de l’association ne dit pas autre chose, puisqu’il s’agit de la contraction d’écologie et population.

Voilà ce fameux texte d’initiative. Lors de la présentation orale, je ne me gêne pas pour souligner ma déception de voir les initiants attaqués par des faux arguments. Je sais bien qu’en politique la forme l’emporte souvent sur le fond, mais c’est un jeu à double tranchant, car si la population s’en rend compte, alors l’entier de votre message est entièrement décrédibilisé. On pense ici essentiellement à la polémique liée à la partie de l’initiative voulant mettre à disposition des solutions de planning familial à ceux qui sont demandeurs et ne disposent pas d’un accès satisfaisant à de telles solutions.

Voici les arguments les plus volontiers mis en avant par le comité d’initiative. Il s’agit manifestement d’arguments vendeurs et qui vont toucher Madame et Monsieur tout le monde lorsqu’il n’y a plus de place assise dans le train, ou que l’on trouve pas de logement satisfaisant, ou qu’il n’y a plus de place dans les crèches, …. On peut relever que certains de ces arguments ont un caractère légèrement subjectif comme par ex. au sujet de la croissance de la population mondiale : est-il vraiment intrinsèquement mal que la population mondiale ait augmenté et ne devrait-on pas plutôt se réjouir de la baisse de la mortalité infantile et la prolongation de l’espérance de vie …

Cette série d’arguments, beaucoup plus pertinents de mon point de vue, apparaissent moins dans la propagande d’Ecopop. Scientifiquement parlant, on peut presque parler d’arguments “coup de poing”, mais manifestement ils restent moins accessibles au public. En conférence, je les détaille et explique un peu plus en fonction du type d’audience. Certains points pourraient faire l’objet d’un post spécifique à futur dans ce blog. Mon affirmation comme quoi le constat posé me convainc se rapporte clairement à ce volet de la réflexion scientifique qui se cache derrière l’initiative Ecopop.

Pour introduire, la réflexion nous occupant principalement revenons-en à la base de la problématique. L’initiative rentre clairement en tension avec un concept omniprésent dans les paysages politiques et économiques de notre temps, soit cette fameuse croissance objet de tout les phantasmes et autres désirs inavouables. Il me semble difficile de trouver un exemplaire quotidien d’un grand média national dans lequel le concept n’est pas utilisé plus qu’une fois dans un article ou l’autre.

Oui, quand on parle de croissance, on parle en fait directement de nos équilibres sociétaux ou autrement dit de notre filet social, car tel qu’il est conçu actuellement, il ne peut être assumé que grâce à une croissance, et même une croissance relativement forte.

Autrement exprimé, on peut considérer que croissance signifie paix sociale. Le vrai problème tourne autours de notre dépendance à cette croissance. En pratique, une absence de croissance ou même une croissance modeste conduisent directement à une hausse du chômage et autres problèmes sociaux. Si l’on compare notre société au sens large à une PME quelconque, presque personne ne contestera que si celle-ci dépend impérativement d’une hausse continue de son chiffre d’affaire pour éviter de faire faillite, il s’agit manifestement d’une fuite en avant.

Partant de là, je vous propose de nous intéresser à la réflexion mathématique sous-jacente à la vision de l’association Ecopop. Lorsque nous avions rencontré M. Benno Büeler avec notre groupe de travail Croissance, il avait bâti la majeure partie de sa réflexion sur la fameuse formule I=PAT connue depuis les années 70. Cette formule décrit en terme généraux l’impact de l’humanité I sur l’environnement égal à un multiplication de 3 facteurs dont P pour la population, A affluence en langue anglaise soit plus ou moins le niveau de vie ou de consommation, et enfin T pour la technologie soit le niveau d’extraction ou sollicitation des ressources primaires par unité de richesse. Cette équation n’est pas contestable en elle-même, mais dis crûment on peut considérer qu’elle ne sert à rien car beaucoup trop synthétique pour générer des résultats exploitables.
L’équation présentée sous la ligne inférieure a déjà été traitée dans ce blog, il s’agit de la fameuse équation de M. Yoishi Kaya (voir Une équation prédit l’enfer sur terre, voulez-vous jeter un coup d’oeil? (série à suivre)). Paradoxalement, on peut admettre que celle-ci est un cas particulier de I=PAT. Dans I=PAT, le I est tellement vaste et recouvre des notions tellement complexes d’une part, et le facteur T tellement abstrait qu’il se révèle impossible de bâtir un raisonnement permettant de manière claire savoir simplement quoi faire avec des deux paramètres. Et forcément dès lors, on arrive à une conclusion biaisée énonçant que la seule possibilité nous restant consiste à travailler sur la quantité de population.

Si l’on reprend le message d’Ecopop un peu plus en détail dans le cas concret examiné soit les émissions de CO2 et donc le réchauffement climatique, on découvre que les initiants posent le constat suivant dans l’optique d’une recherche de solution à ce problème existentiel :
– le passage aux renouvelables est un échec car il y a trop de freins variés,
– l’efficience énergétique est un leurre car la combinaison de l’accroissement du niveau + population conduit à ce que les maigres gains d’efficience sont plus que perdus au final,
– enfin il est observé que vouloir réduire le niveau de vie moyen est illusoire, et qu’au contraire on peut s’attendre à une hausse généralisée, car des populations entières de la planète n’aspirent qu’à une seule chose, soit nous rattraper sur ce plan également.

L’analyse d’Ecopop est partiellement correcte sur les facteurs Etot/PIB et PIB/POP, mais complètement fausse sur la considération du facteur POP. En effet, il est maintenant clair que si nous voulons sauver le climat de la planète, une réduction même importante des émissions de CO2 ne suffira pas. Un seul objectif s’impose maintenant à nous, soit le zéro émission! (à noter : le dernier rapport du GIEC paru le dimanche 2.11.2014 ne dit pas autre chose!) Dès lors imaginer pouvoir travailler avec le facteur POP signifierait en pratique la disparition de la race humaine, perspective peu réjouissante s’il en est!

Non, la solution se cache dans le facteur CO2/Etot et notre véritable objectif est bien de passer au 100% renouvelable le plus vite qu’il sera possible. On relèvera que les vert’libéraux sont le seul parti proposant une solution concrète et réaliste à ce challenge au travers de notre initiative TE-TVA.

En trois diapos, j’aimerais rendre cette question la plus visuelle possible. Aujourd’hui notre économie fonctionne, majoritairement, sur le mode “je puise dans une ressource (le seau dans l’image) pour consommer respectivement faire fonctionner l’économie et je jette”. Quelques fois, une subtilité se glisse dans le raisonnement, comme par exemple lorsqu’on réutilise les cornets plastiques jetables des grandes surfaces pour alimenter des chauffages à distance. Il n’en reste que cela ne change rien au final, une ressource est consommée et définitivement perdue au bout de la chaine.

Il n’y pas besoin d’être grand druide aurait dit Astérix, pour comprendre que, tôt ou tard, la ressource aura tari. En conférence, je me permet quelques commentaires sur la signification de la présence des mouches au-dessus du seau, mais là je laisse tout cela à votre imagination.

Visuellement, quelque soit la ressource considérée, nous devons organiser le fonctionnement de notre société pour atteindre un mode circulaire dans laquelle la ressource retourne au stock initial. Dans le cas du CO2, cela signifie simplement passer au tout renouvelable. Le même raison peut et doit être posé pour toutes les ressources considérées.

Un peu contraint et forcé, je résume, à l’attention des assemblées, m’ayant sollicité quelques arguments clefs de nature nettement plus politique. Ces arguments ne sont certes pas faux en soit, mais je ne puis m’empêcher de les trouver un peu courts, quand sur l’autre plateau de la balance on considère un risque environnemental majeur pour la planète entière.

Toutefois, je ne me prive pas d’insister sur l’importance de réellement et rapidement mettre en place un mode de fonctionnement permettant d’adresser les problèmes soulevés par les initiants.

La situation montrée par les initiants, et manifestement gravement obérée, met en danger nos sociétés voir peut-être pire encore. Toutefois, la solution proposée se révèle illusoire car toute baisse de la population serait premièrement insuffisante pour obtenir le moindre résultat positif, mais aussi automatiquement compensée par une hausse de la consommation un peu à la manière de l’effet rebond que je décrivais mes posts sur l’équation de Kaya.
Le mécanisme sous-jacent à TE-TVA représente la vraie lumière au bout du tunnel. Ce mécanisme peut et doit s’imposer progressivement pour toutes les ressources non renouvelables que nous souhaitons exploiter, que cela soit le climat, les stocks de poissons dans les océans, la pureté de l’air que nous respirons, …

En espérant vous avoir apporté une contribution utile, et bien évidemment en restant très volontiers à votre disposition pour poursuivre le débat.
Arrivé à la fin de cette rédaction, en la faisant relire par des proches n’ayant assisté à aucune de mes prestations “live”, je suis rendu compte de la difficulté de trouver le niveau de détail juste pour une version écrite. Face à une assemblée, le conférencier voit les visages interrogatifs, souriants, dubitatifs, s’endormant, passionnés … On peut facilement s’adapter, rentrer dans des explications plus détaillées pour éclairer un point ou l’autre, ou au contraire accélérer si tout semble trop facile pour l’auditoire. Ici le statique impose sa loi, alors surtout n’hésitez pas à prendre contact pour débattre de tout aspect le méritant.
Laurent-David Jospin




En premier lieu, le facteur Etot/PIB, représentant peu ou prou la capacité d’innovation, aura tendance à se figer, car en période de pénurie de ressources le peu disponible sera affecté prioritairement à la production de biens essentiels plutôt qu’à la recherche. Tiens, comme la nourriture par exemple, dont on oublie trop souvent qu’elle dépend aujourd’hui presque totalement de la disponibilité d’énergie bon marché.
Dans une phase initiale, le facteur PIB/POP va diminuer car la population restera stable, mais le PIB lui diminuera inexorablement en suivant la courbe descendante des ressources fossiles. L’environnement économique correspondra alors à une récession majeure sans espoir de relance puisque notre moteur essentiel réel, soit l’énergie abondante, aura de plus en plus tendance à se raréfier.
Assez vite toutefois, des émeutes massives puis des guerres civiles éclateront. Rappelez-vous c’était le peuple affamé qui avait pris la Bastille. A ce stade, l’effondrement structurel de nos sociétés ne sera plus qu’une question d’années. L’histoire nous montre comment des grands empires, imaginés indestructibles, se sont quasiment auto-anéantis en l’espace d’une génération. Et donc le facteur POP sera amené au tapis par des famines, épidémies et autres guerres. Rappelez-vous dans la première partie de la démonstration, je vous parlais de “l’option génocide”, et bien si nous n’y prenons pas sérieusement garde, le ou plutôt les génocides viendront spontanément sans même avoir eu besoin d’un carton d’invitation. On ne parle pas ici d’un conflit majeur opposant deux blocs se comportant de manière dite “civilisée” (soit en respectant plus ou moins les lois de la guerre), mais d’une multitude de conflits officiels ou non entre des populations désespérées luttant pour leur survie au jour le jour, comme par exemple la guerre en Irak dont la seule vraie origine est le désir de l’Oncle Sam de contrôler une ressource qu’il jugeait stratégique. Si vous pensez que je noircis le tableau, permettez-moi de vous détromper, car, mis à part le cas de l’Irak, les prémices sont déjà visibles aujourd’hui! Ce n’est pas moi qui le dis, mais Monsieur Ban Ki Moon secrétaire général des Nations Unies en personne. Bien évidemment, cela touche les populations déjà les plus fragilisées qui soient, et dans des régions qui nous semblent tellement mais alors tellement lointaines!!! Mais ne vous y trompez pas, ce que vous pouvez voir là-bas, nous pend assez également au bout du nez simplement avec un décalage temporel plus ou moins important selon les cas!
Ils sont fous ces humains, aurait dit Obélix!
Passons maintenant au terme PIB/POP. Pour mettre ce terme à zéro, le PIB doit tendre vers zéro également. Donc en clair et français, le niveau de vie moyen de la planète devrait s’effondrer pour s’approcher autant que possible du “à peu près rien”. Soyons clairs, personne ne souhaite cela, et même si un “despote éclairé” cherchait à imposer une telle évolution, tout le monde sait que cela générerait des émeutes puis une guerre civile totale.
Ensuite, nous pouvons travailler sur la quantité d’énergie nécessaire pour générer chaque unité de PIB. Sur cet aspect précis, il y a matière à gagner quelque chose, cela s’appelle l’efficience énergétique. Malheureusement, il y a une limite à ce qui est possible ici. L’expérience des années passées nous montre qu’il a été possible d’obtenir une réduction d’environ 30% en à peu près 40 ans.
Au final, il nous reste donc que le facteur CO2 / Etot pour réussir à tirer l’ensemble de notre équation vers zéro. En première lecture, on ne voit pas d’impossibilité absolue à tirer rapidement en bas ce dernier facteur de notre formule. Simplement, si l’on met en relation l’importance de l’effort à fournir pour réellement limiter au moins les dégâts les plus graves, avec la réalité de l’évolution des ENR (énergies renouvelables) sur le terrain, on se rend très vite compte que nous faisons complètement fausse route à l’heure actuelle.


