Une équation prédit l’enfer sur terre? Et si le réchauffement climatique n’existait pas?

Ce post est la suite de notre série sur l’équation de Kaya. Nous prolongeons ici la réflexion entamée dans le post une équation prédit l’enfer sur terre? Comment changer?  par la vision contrarienne imaginant que le réchauffement climatique n’existe tout simplement pas ou ne pose aucun problème réel.

Peu importe que cette posture soit consciente et explicite, ou implicite de par notre attitude de laisser aller, cela ne change rien à la réflexion qui suit.

Il va de soi que je ne crois pas une seconde que nous puissions réellement faire l’impasse sur le réchauffement climatique, mais encore une fois le résultat de la réflexion qui suit pourrait surprendre plus d’un.

L’augmentation de CO2 dans l’atmosphère provient en premier lieu de la combustion soit de tout type combustible fossile, soit de bois dans une quantité dépassant celle générée par la croissance naturelle de la forêt (en terme exact, on dit que le prélèvement dépasse le taux de renouvellement).

Bref, l’augmentation du CO2 provient de la consommation d’un non-renouvelable, car même le bois de la forêt cesse d’être une ressource renouvelable si l’on prélève plus que le taux de croissance naturelle. Donc, si le stock est non renouvelable, il est par définition fini.

Dès lors, et c’est là la grande surprise, même si vous êtes climato-sceptique et que vous ne souhaitez absolument pas vous soucier du taux de vos émissions de CO2, un jour vous les verrez diminuer, que vous le vouliez ou non, et ce précisément lorsque les stocks disponibles de fossile ne suffiront plus pour répondre à la demande dans la même quantité que précédemment.

Très concrètement, et pour prendre l’exemple du pétrole, le graphique présente à priori un aspect dit de “courbe en cloche”, comme celui-ci qui montre que la production augmente de manière quasi continue puis passe par un maximum pour entamer une descente inexorable (note : les courbes des découvertes et de production effective ont exactement le même aspect mis à part un décalage temporel d’environ 30 ans) :

La date exacte du “peak oil” ainsi que celles des autres échéances sont sujets à débat, mais il demeure admis dans les milieux les plus compétents que ces échéances ne pourront être évitées et que pour certaines la date butoir est relativement proche (de l’ordre d’une génération). Les dernières prévisions à ce sujet de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) sont inquiétantes pour nos économies. Il en ressort notamment que les réserves dans les schistes ont été sur-évaluées (pressenti dans le post du 2 juillet 2013 Gaz de schiste et ça continue…  vers la fin du paragraphe sur l’indépendance énergétique) et que l’augmentation de la consommation effective fortement soutenue par une demande non encore satisfaite conduit à un épuisement plus rapide que prévu aussi bien du stock que de la capacité de production instantanée. En clair, on peut s’attendre à ce que dès 2025 on vive dans un monde sous-doté en pétrole (au vu des souhaits actuels de l’économie et non des considérations climatiques naturellement). La vision alternative consiste à dire que la courbe est lissée par l’addition de nombreuses courbes régionales ayant toutes un sommet décalé. On parle ici d’un plateau de production  plutôt que d’un sommet clairement défini. Monsieur Sadad Al-Husseini ancien responsable de l’exploration de la compagnie nationale saoudienne partisan d’une telle vision estime que le plateau, agrémenté de quelques ondulations non significatives, a démarré aux alentours de 2005 et perdurera jusque vers 2020 suivie d’une forte diminution de la production.

Vous allez me dire, mais c’est très bien alors, car de cette façon tôt ou tard, nous allons arrêter d’émettre du CO2 et tout le monde sera content. L’erreur se situe ici, car si la baisse provient d’une baisse de la disponibilité en énergie et non d’une baisse de la quantité de CO2 par unité d’énergie, les autres facteurs ne restent pas silencieux, bien au contraire.

En premier lieu, le facteur Etot/PIB, représentant peu ou prou la capacité d’innovation, aura tendance à se figer, car en période de pénurie de ressources le peu disponible sera affecté prioritairement à la production de biens essentiels plutôt qu’à la recherche. Tiens, comme la nourriture par exemple, dont on oublie trop souvent qu’elle dépend aujourd’hui presque totalement de la disponibilité d’énergie bon marché.

Dans une phase initiale, le facteur PIB/POP va diminuer car la population restera stable, mais le PIB lui diminuera inexorablement en suivant la courbe descendante des ressources fossiles. L’environnement économique correspondra alors à une récession majeure sans espoir de relance puisque notre moteur essentiel réel, soit l’énergie abondante, aura de plus en plus tendance à se raréfier.

Assez vite toutefois, des émeutes massives puis des guerres civiles éclateront. Rappelez-vous c’était le peuple affamé qui avait pris la Bastille. A ce stade, l’effondrement structurel de nos sociétés ne sera plus qu’une question d’années. L’histoire nous montre comment des grands empires, imaginés indestructibles, se sont quasiment auto-anéantis en l’espace d’une génération. Et donc le facteur POP sera amené au tapis par des famines, épidémies et autres guerres. Rappelez-vous dans la première partie de la démonstration, je vous parlais de “l’option génocide”, et bien si nous n’y prenons pas sérieusement garde, le ou plutôt les génocides viendront spontanément sans même avoir eu besoin d’un carton d’invitation. On ne parle pas ici d’un conflit majeur opposant deux blocs se comportant de manière dite “civilisée” (soit en respectant plus ou moins les lois de la guerre), mais d’une multitude de conflits officiels ou non entre des populations désespérées luttant pour leur survie au jour le jour, comme par exemple la guerre en Irak dont la seule vraie origine est le désir de l’Oncle Sam de contrôler une ressource qu’il jugeait stratégique. Si vous pensez que je noircis le tableau, permettez-moi de vous détromper, car, mis à part le cas de l’Irak, les prémices sont déjà visibles aujourd’hui! Ce n’est pas moi qui le dis, mais Monsieur Ban Ki Moon secrétaire général des Nations Unies en personne. Bien évidemment, cela touche les populations déjà les plus fragilisées qui soient, et dans des régions qui nous semblent tellement mais alors tellement lointaines!!! Mais ne vous y trompez pas, ce que vous pouvez voir là-bas, nous pend assez également au bout du nez simplement avec un décalage temporel plus ou moins important selon les cas!

Faux me direz-vous, car il sera alors temps de passer aux énergies renouvelables. J’ai effectivement entendu ce discours dans la bouche d’un ami climato-sceptique. Ce raisonnement ne tient malheureusement pas la route, car lorsque la courbe descendante aura été entamée, nous n’aurons alors plus les moyens de réaliser la transition énergétique. Cela découle notamment des facteurs Etot/PIB et PIB/POP qui seront amenés au tapis par le manque d’énergie et ne permettront plus d’envisager autres choses que de la simple survie. Passer aux énergies renouvelables représente dans le court terme un effort ou autrement dit un investissement, et il faut être en mesure de le faire, aussi bien en termes économiques, sociaux, que de ressources à disposition..

Le DOE (Department of Energy) américain ne dit pas autre chose quand il annonce qu’il faut compter au minimum 20 années pour se préparer au peak oil, et qu’il invite le gouvernement américain à agir de toute urgence. Citation : ” sans une atténuation appropriée, les coûts économiques, sociaux et politiques seront sans précédent“. Si on quitte mentalement le niveau “pays” et qu’on monte au niveau “planète”, il est manifeste que ces 20 années ne seront pas suffisantes.

Nous en resterons là comme conclusion de cette analyse climato-sceptique en nous permettant de rappeler que toute cette réflexion a été menée en imaginant que le réchauffement climatique ne pose aucun problème et que donc il ne se rajoute pas des complications supplémentaires générées par exemple par des dommages insupportables de très grande ampleur.

Dans notre prochain post nous conclurons ces discussions sur l’équation de Kaya en regardant si une réconciliation des deux points de vue climato-sceptiques contre “climato-convaincus” n’est pas possible.

Laurent JOSPIN

Sources :
US Department of Energy (DOE), “peaking of World Oil Production : Impacts, Mitigation, and Risk Management
Journal Le Monde 16.11.2007, “la production d’or noir n’augmentera plus, selon l’ex n°2 du pétrole saoudien
Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), mars 2013, “Le baril de pétrole à 270 US$ en 2020
Annuaire suisse de politique de développement, Claude Serfati, 2006, “Économies de guerre et ressources naturelles : les visages de la mondialisation
Le Grand Soir, 28 mars 2006, Michael Klare, “Les prochaines guerres auront pour enjeu les ressources naturelles
Et avec la collaboration d’Amanda pour le dessin

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