L’industrie lancée dans une fuite en avant sans fin ?

Huitième article de la série estivale “politique de santé”

La société capitaliste dans laquelle nous vivons contraint les entreprises à croître indéfiniment pour survivre en offrant à leurs actionnaires un dividende et/ou une plus-value sur actions en fin d’année.

Ainsi en est-il aussi bien entendu pour les entreprises en relation avec le monde médical qui, parfois, aimeraient bien pourtant se faire passer pour des bienfaiteurs de l’humanité souffrante !

Ce monde de la Santé est, il faut le dire, un merveilleux terrain de jeux pour ces industriels qui y trouvent la possibilité d’innovations, – et donc de gains – innombrables, tant la demande des milieux universitaires médicaux et celle de la population générale est illimitée dans ce domaine porteurs d’espoirs infinis.

Chaque siècle a vu un certain nombres d’innovations réellement révolutionnaires, pensons au développement de l’ostéosynthèse, l’usage de l’endoscopie opératoire, l’avènement des greffes d’organes ou encore les méthodes de radiologie interventionnelle qui sont des phares de notre vingtième siècle.

Mais à proprement parler, ces révolutions de l’industrie médicale se comptent sur les doigts de la main et sont bien souvent le fait de chercheurs passionnés qui ne sont relayés par l’industrie que lorsque leurs innovations deviennent commercialement source de gains potentiels.

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Il faut aussi avouer que les coûts de recherche et développement sont de plus en plus exorbitants, ce qui pousse l’industrie à rechercher un gain facile en sortant, année après année,- comme pour les défilés de haute couture -, des produits « relookés » ou améliorés du point de vue ergonomique, mais sans réelle innovation dans le résultat. Ces produits sont alors démarchés, parfois presque agressivement, auprès des opérateurs par des représentants payés à la commission ou lors d’invitations à des soirées de congrès qui parfois prennent un peu des airs de corruption larvée.

Dans le domaine des pharmas où là le développement d’une molécule totalement nouvelle s’apparente réellement à un marathon de plusieurs années et coûte des centaines de millions, la tendance est alors de rentabiliser au maximum l’investissement. Pour ce faire, on produit, peu avant la fin de la protection du brevet, une discrète modification galénique qui permet de gagner de nouvelles années d’exclusivité, sans pour autant avoir mis sur le marché un produit réellement nouveau.

Bien plus perturbant encore, on découvre depuis quelques années une autre source de revenu phénoménale, via la production d’études, dites révolutionnaires, qui ont pour but de démontrer la nécessité d’abaisser les taux sanguins de tel ou tel index, ce qui permet ainsi de toucher mécaniquement une part beaucoup plus importante de population.

On observe ce phénomène entre autre dans le cas des lipides sanguins, ou celui des dosages de PSA qui ont mené à des opérations souvent invalidantes des milliers de sexagénaires « victimes » de l’engouement pour la chirurgie prostatique robotique. à l’heure actuelle heureusement de nombreux urologues font marche arrière.

Laurent :
Nous sommes manifestement d’accord Blaise et moi sur les conséquences néfastes du sur-diagnostique dans les pathologies évoquées, mais j’aimerais à titre personnel encore évoquer le problème du sur-traitement du cholestérol, dont plusieurs études viennent maintenant démontrer qu’un abaissement du taux sanguin conduit à une baisse discutable de la mortalité par accident cardio-vasculaire, mais simultanément une hausse indiscutable de la mortalité générale par d’autres pathologies [1].

Profit et Humanité font, à notre sens, manifestement mauvais ménage et il y a lieu d’exercer dans ce couple antinomique une surveillance citoyenne infiniment plus étroite qu’à l’heure actuelle.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici

Prochain article : Les pharmas nous veulent-elles vraiment du bien ?

[1] : Michel de Lorgeril, L’arnaque du cholestérol et des statines, y inclus les sources citées dans le documentaire
ainsi que Arte 2016, Anne Georget, Cholestérol Le grand bluff, dito pour les sources citées

One thought on “L’industrie lancée dans une fuite en avant sans fin ?

  1. Michel Berrino

    Merci Laurent, très intéressant, il y aurait lieu à l’occasion de parler des nombreuses thérapies douces pour lesquelles les puissants lobbys de l’industrie chimique influencent fortement les caisses maladie à ne pas intervenir, belle journée

    Michel Berrino

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