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Alors cette LOI CO2, sociale ou pas ?

On garde ses bonnes habitudes et vite un petit coup d’oeil dans le rétroviseur de la campagne.

On voit que nos adversaires matraquent avec essentiellement deux mensonges :

Le premier, l’abject : Notre loi CO2 n’aura(it) aucun effet sur le réchauffement climatique. Qualifier cette affirmation d’ignoble reste encore sur la retenue. Bien évidemment, notre participation à l’effort planétaire doit et ne peut se faire qu’à hauteur de notre importance relative en terme de population et niveau de vie. Comme nous sommes 8 millions de Suisses contre 8 milliards d’humains sur la planète, notre contribution se situe de l’ordre du millième. Oui bien sûr, mais si nous, qui appartenons aux plus riches de cette planète, ne faisons pas notre juste part, pourquoi les plus pauvres le feraient ??? Ce mensonge relève d’un égoïsme et d’une irresponsabilité sans limite.

Le deuxième, le stupide : La loi CO2 va pénaliser les plus pauvres de notre pays. Puisque le but de ce post est justement d’évoquer les aspects sociaux de la loi, je me contente ici de rappeler que le réchauffement climatique impactera justement les plus pauvres, car ils ne pourront pas prendre les mesures onéreuses pour se protéger. Au surplus, nous allons développer cela un peu plus loin.

Indépendamment de ceci, les nouvelles internationales clefs n’arrêtent pas d’arriver ces derniers temps.

Nous découvrons sur le site de la RTS, que l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) recommande maintenant de renoncer à tout nouvel investissement dans les énergies fossiles.

Quand on connaît l’influence des pays producteurs de pétrole et gaz dans cette institution, c’est presque incroyable et cela montre bien que subitement dans les hautes sphères dirigeantes, on commence d’avoir sérieusement peur des conséquences du réchauffement climatique.

Par ailleurs, le G7 va même un pas plus loin puisqu’il veut cesser de subventionner le charbon, ceci inclut donc les centrales actuellement en activité. L’incidence sera très significative sur le prix des énergies, notamment de l’électricité en Europe qui est actuellement pollué autant au sens figuré que propre par du charbon subventionné utilisé dans des centrales déjà amorties et en fin de vie.

Si vous lisez l’article complet sur le site de la RTS, vous découvrirez que sans aucune ambiguïté, on nous annonce que cette mesure légitimera de contraindre les pays qui ne feraient pas leur part du travail !

Et maintenant, alors, sociale ou pas cette loi CO2 ?

Dans le débat public, l’attaque est un peu toujours la même et ressemble assez à celle déposée sur la page FB du blog :

Monsieur Rubner répète ici un argument, que je suppose avoir été préparé par quelques têtes pensantes, qui passe en boucle lors de chaque débat, à résumer en “c’est injuste pour ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture, de leur chauffage au mazout, ….”.

La réponse amenée par les débatteurs de notre camp, même si intrinsèquement correcte, me laisse sur ma faim. En effet, on évoque la redistribution via l’assurance maladie et on se lance dans des calculs d’apothicaire pour savoir qui va gagner et qui va perdre.

Ces calculs me désolent, car ils font complètement l’impasse sur une réalité basique, à savoir que le but de la loi est d’induire une modification des comportements. Et dès lors, il suffit de voir les faits pour constater que cette soi-disante punition des automobilistes contraints de l’être n’existe pas, si on fait les bons choix.

Regardons cela en détail (les feuilles de calcul sont à disposition sur demande), je prends ici comme exemple fictif mais basé sur une famille habitant dans un coin perdu du Jura ayant fait l’objet d’un reportage sur la RTS. Elle a impérativement besoin d’un 4×4, et nous retiendrons donc un 4×4 d’entrée de gamme à CHF 40’000.– roulant 30’000 km par année avec une consommation de 6 lt/100.

La famille a conclu un leasing avec valeur résiduelle 0 sans apport sur 60 mois à un taux de 3.5 %, elle va payer globalement CHF 728.– de mensualité leasing, et 30’000 km /100 km * 6 lt = 1’800 lt d’essence à un tarif de CHF 1.6 /lt, donc CHF 2’880.– essence.

Nous obtenons donc 12 * 728 + 2’880 soit CHF 11’616.– hors assurance et taxes.

Et maintenant, soit la même famille qui achète un 4×4 tout électrique avec 500 km d’autonomie (j’ai personnellement testé le véhicule sur lequel je base mon calcul, c’est vrai!) à CHF 50’000.–. Ce modèle montre une consommation effective de l’ordre 12 kWh/100 km, pour le calcul je retiendrai 15 kWh à 15 cts / 100 km (supposition 50 % de la charge en heures pleines, 50 % en heures creuses).

La famille a conclu le même leasing (60 mois, taux 3.5 %, apport zéro, valeur résiduelle zéro).

Elle va payer CHF 910.–/mois de leasing, et donc 30’000 / 100 * 15 * 0.15 soit CHF 675.– en électricité.

Au final, cette famille paye dans cette deuxième variante “taxe CO2 free” 12 * 910 + 675 soit CHF 11’595.–.

Soit une différence de CHF 21.–/année !!!! Je ne relève même pas que les CHF 21.– sont en faveur du véhicule électrique, ce qui compte est qu’en prenant les bons choix la situation ne sera pas péjorée significativement sur le plan économique.

Bien sûr, on peut faire jouer les paramètres et essayer de modifier le résultat final, mais si on se base sur un 4×4 essence encore moins cher, la consommation monte ! Si on se réfère à des taux leasing 0 %, le résultat devient outrancièrement en faveur du véhicule électrique, etc etc . Bref, si on reste honnêtes sur les choix de scénario à comparer, il se dégagera toujours une quasi équivalence.

En ce qui concerne les chauffages à mazout, il existe aujourd’hui d’excellente PAC. On peut sans autre refaire l’exercice ci-dessus de la voiture. Au final, ce sont les choix personnels qui détermineront le résultat.

La question économique évacuée, il reste un point beaucoup plus fondamental à mentionner, quid du futur ?

En effet, nous oublions toujours trop vite les conséquences du réchauffement climatique. Les modèles convergent tous vers des épisodes caniculaires plus fréquents, plus intenses et plus longs.

Le besoin en protection contre les conséquences de ces canicules croîtra donc de manière importante et cela va coûter !!!!

On pense bien sûr à la climatisation, mais en réalité il ne s’agit que d’un aspect minime, presque secondaire. Avec des canicules à ce point si violentes, les rendements agricoles s’effondreront. Le coût de la nourriture va donc monter, ne serait-ce qu’en fonction du coût de l’eau d’arrosage, mais aussi des productions plus faibles à l’hectare. Si nous voulons conserver une filière laitière dans notre pays, nous devrons importer toujours plus de fourrage et de toujours plus loin.

Et puis il y a la question migratoire. Actuellement, nous vivons un psychodrame pan-européen pour quelque chose qui doit se situer de l’ordre de 20 à 25 millions de réfugiés. Les scénarios des agences de renseignement pronostiquent qu’environ 500 millions de personnes se mettront en mouvement rien qu’en Afrique si on ne lutte pas (beaucoup) plus contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

L’argument comme quoi on punirait la classe moyenne avec la loi CO2 est donc non seulement faux, mensonger, mais aussi complètement stupide, car c’est en premier lieu les moins favorisés de notre société qui ont urgemment besoin d’une action déterminée et urgente contre le réchauffement climatique !

Laurent-David Jospin

Comment imaginer un système de santé durable ?

Dixième article de la série estivale “politique de santé”

N’espérez pas un coup de baguette magique, car aucune mesure ne pourra seule rétablir une solidité durable d’un système qui emporte avec lui des tares originelles aussi fortement ancrées dans son ADN. La lucidité l’impose : il faut un ensemble de mesures cohérentes adressant l’ensemble des faiblesses reconnues pour offrir la possibilité de reconstruire un système pérenne.

Désespoir factureSi vous ne supportez plus vos factures médicales ….

Le plus libéral des deux auteurs envisage en toute logique que le patient puisse reprendre le contrôle de sa santé selon ce qu’il jugera bon pour lui, mais également que la deuxième face de la médaille de la liberté soit la responsabilité reprenne la juste place qu’il lui revient pour l’ensemble des acteurs impliqués que cela soit le patient, le politicien, la grande industrie pharmas comprises !, ou même le corps médical.

Symétriquement le médecin voit en premier lieu les difficultés concrètes dans sa pratique de tout les jours ou encore les incohérences du système tiraillé entre les contraintes financières, politiques, et ha oui aussi médicales respectivement scientifiques !

Blaise & Laurent :
Historiquement, le médecin représentait l’autorité dont les avis ne se discutent pas de la même façon que Monsieur le Maire ou le Notaire du village. Malheureusement, ce principe initial conduit une grande part de la population à ne s’intéresser à sa santé que lorsqu’elle est déjà tombée malade. Le patient doit reprendre le contrôle de son propre corps et donc sa propre vie autant que possible. Il faut imaginer former dès le plus jeune âge, via des programmes scolaires adaptés et ouverts, à savoir lire et comprendre une notice de médicament, à ce que veut dire concrètement “des effets secondaires”, à la prévention, à comprendre ce que la surmédication apporte comme conséquences négatives jusqu’à de la létalité supplémentaire … bref à regagner une liberté de choix effective car en pleine connaissance des bénéfices et coûts. Pour beaucoup de patients, découvrir que l’opération ou le traitement projeté pour telle pathologie ne signifie pas réellement guérison mais juste vivre avec un problème moins grave représente un choc douloureux.

Laurent :
Une meilleure compréhension des enjeux médicaux permet aussi aux patients une collaboration active au niveau thérapeutique. Sur internet se côtoient le pire et le meilleur. Il faut néanmoins reconnaître que pour certaines pathologies rares, la recherche de cas similaires au plan mondial a permis à des malades ayant pratiquement perdu tout espoir de retrouver le chemin soit d’une guérison ou tout au moins d’une vie meilleure. Donner à notre population les clefs pour trier les charlatanismes des thérapies novatrices et porteuses d’espoirs réels contribuera utilement à une relation apaisée entre patient et médecin. La pression liée aux intérêts économiques des industries, pharmas comprises, s’oppose frontalement à une telle évolution. Toutefois, j’en suis persuadé, il n’y a pas de perspectives durables dans le tout artificiel ou tout chimique.

Blaise & Laurent :
La population a souhaité que le système d’assurance maladie soit obligatoire. Il est dès lors inacceptable de ne pas disposer d’une transparence totale sur les coûts pour les acteurs au bénéfice d’un monopole étatique. On pense bien sûr aux assurances, mais également aux grandes pharmas qui imposent des coûts exorbitants sur certaines nouvelles molécules sans que le bénéfice en terme de santé soit du même ordre de grandeur pour le patient.

Blaise & Laurent :
L’indépendance des organes sensés contrôler les acteurs doit être complètement repensée et renforcée. De fait, aujourd’hui très fréquemment les personnes en charge de ces contrôles proviennent des mêmes cercles que ceux qu’ils sont sensés contrôler ou pire encore dépendent d’eux pour des budgets de recherche.

Blaise & Laurent :
La justification des soins de haut niveau dans les deux extrémités de la vie doit pouvoir être débattue sereinement politiquement. Est-il réellement nécessaire de chercher à faire survivre des « enfants » de moins de 26 semaines de gestation en mettant en jeu des moyens excessivement sophistiqués, et donc excessivement onéreux, tout en sachant que le taux de séquelles est très élevé et que ce risque va devoir être supporté par la société dans son ensemble ? Tandis qu’à l’autre extrême de la vie, on doit s’interroger sur le bien fondé d’engager des traitements lourds, invalidants et onéreux pour des malades dont on sait très bien que l’espérance de vie n’est que de quelques semaines.

Ces questions de société sont douloureuses et ne peuvent être seulement décidées par le corps médical ou l’entourage du patient. Car, rappelons-le dans notre modèle mutualiste des soins, c’est toute la population qui participe aux frais engendrés. Nos élus devraient avoir le courage de trancher ces questions et imposer des limites raisonnables ou autrement dit durables au système.

Blaise :
Le ministre de la santé doit continuer à influencer et au besoin décider unilatéralement de la valeur du point Tarmed ou de la dévalorisation de points techniques lorsque l’on se trouve face à des abus manifestes, en particulier pour des actes très courants et devenus beaucoup plus simples du point de vue technique comme l’opération de la cataracte, ou certains examens radiologiques ou encore le recours systématique à l’endoscopie pour de petites interventions de chirurgie de la main, par exemple, entraînant des frais techniques aberrants.

Blaise :
Le Conseil Fédéral devrait aussi décider unilatéralement, – car un consensus sera impossible!- de l’importance du catalogue des prestations à charge de l’assurance maladie mutuelle, car actuellement on assiste à une dérive de prestations qui relèvent plus du bien-être que de la médecine, et devraient donc être exclus du dit catalogue, par exemple certaines interventions phlébologiques, certaines consultations psychologiques et divers traitements dermatologiques, pour n’en citer que quelques uns.

Blaise & Laurent :
Il faut aussi légiférer sur l’opportunité de valoriser le recours à des infirmiers/ères de premier recours, spécifiquement formés/ées pour prendre en charge les suivis d’affections fréquentes, en particulier le suivi de l’hypertension, du diabète, des troubles nutritionnels, les soins de base traumatiques, etc. , ce qui déchargerait d’autant les consultations des médecins généralistes qui sont surchargées de petits contrôles sans réelle nécessité de la présence d’un médecin.

Blaise :
Il faut chercher par tous les moyens à inverser la tendance au recours systématique à une médecine défensive, qui entraîne une avalanche d’examens et de consiliums, cause en partie du renchérissement des coûts et en particulier des coûts ambulatoires et source de bénéfices importants pour certains laboratoires et prestataires de soins hyperspécialisés. Pour ce faire, la FMH doit avoir une attitude défensive à l’égard de ses membres et systématiquement attaquer le recours trop fréquent à la judiciarisation des actes médicaux que ce soit au niveau des assureurs, des avocats et autres tribunaux. A mon sens, les médecins ne se sentent pas suffisamment soutenus par leur instance faîtière et cherchent donc à se protéger dans toutes leurs décisions.

Blaise :
La FMH et les sociétés de discipline médicale doivent généraliser l’usage des guidelines pour toutes les affections courantes, avec la possibilité de recourir à des sanctions vis à vis de ceux qui s’y opposeraient sans justification, allant de l’avertissement aux amendes et jusqu’à l’exclusion de la société médicale.

Laurent :
Je comprend la logique d’une telle pratique, toutefois, il faut à mon sens la tempérer, car certains consensus médicaux sont sujets à débats. Ex. Pour de nombreux patients le protocole de traitement “helvétique” de la maladie de Lyme se révèle totalement inopérant, alors que la variante préconisée par les médecins américains offre un réel bénéfice thérapeutique.

Blaise :
Le dossier médical du patient, informatisé, doit être généralisé et devenir une obligation tant pour le patient lui-même que pour le prestataire de soins, de façon à éviter les doublons dans les examens et là aussi des sanctions devraient être mises en place à l’égard de ceux qui n’en tiendraient pas compte.

Laurent :
On comprend aisément l’avantage d’une telle mesure, toutefois elle pose aussi un problème potentiel grave d’atteinte aux libertés individuelles. Le corollaire d’une mesure aussi stricte risque bien d’être le droit de s’affranchir complètement du système. Ce point doit également être mis en perspective avec les limites de la mutualité, à partir d’un certain point, il peut devenir parfaitement légitime de vouloir renoncer à l’ensemble et se prendre en charge soit-même. On rappellera en passant qu’environ 50 % des coûts de la santé sont assumés par les impôts ordinaires. Dès lors, même en refusant de cotiser et profiter du système, on reste solidaire via sa fiscalité. Je suis parfaitement conscient que préconiser l’abrogation de l’obligation de s’assurer ne trouvera pas une majorité aujourd’hui devant la population. Toutefois, au début de la LAMAL une infime minorité, de l’ordre de 5 %, de la population adhérait à une telle vision. A l’heure actuelle, nous avons passé les 30 %. Encore 20 à 30 % de hausse (soit ± 6 années au rythme actuel) et nous pouvons être quasiment sûr que cette option ne pourra plus être balayé d’un revers de la main.

Blaise & Laurent :
Une réflexion doit débuter pour envisager les limites du mutualisme avec la possibilité d’introduire, pour les assureurs, des bonus/malus dans les attitudes de vie : tabagisme, inactivité,par exemple. Ce d’autant plus que, comme expliqué ci-dessus, même ainsi le citoyen restera partiellement solidaire via non plus sa prime mais son bordereau d’impôt.

Blaise & Laurent :
Les assureurs doivent favoriser et promouvoir la prévention au niveau du mode de vie, avec là aussi des incitations financières fortes.

Blaise & Laurent :
Chaque patient devrait recevoir en fin d’année, systématiquement, un décompte global des frais qu’il a engendrés de façon à le rendre conscient de l’importance de ceux-ci.( la réaction humaine veut que ce soit toujours le voisin qui coûte le plus cher…)

Blaise & Laurent :
Et bien sûr, puisqu’il y a manifestement un incendie, il faut arrêter d’arroser avec de l’huile. L’OFEV (Office Fédéral de l’Environnement a évalué que la pollution de l’air induisaient des coûts de sur la santé se situant à environ 6 milliards par an, soit 10 % des coûts totaux. Pour la première fois en Suisse, une autorité a officiellement reconnu que nos choix sociétaux, ou plus précisément l’absence d’une politique environnementale suffisante, induisait un coût concret. Si on extrapole ce résultat à la pollution des sols, en rappelant par exemple que même les consommateurs bio présentent des taux de glyphosate, cancérogène supputé, dans leurs urines, ainsi que à la pollution des eaux chargées en résidu de médicaments les plus divers , il ne semble pas complétement absurde d’affirmer que peut-être jusqu’à un tiers de nos problèmes médicaux puisse provenir en fait de la pollution sous toute ses formes.

En agissant sur ces causes externes, on obtiendra un résultat bien plus durable qu’avec milles mesures de gesticulation sur les tarifs de ceci ou cela ou encore de répartition des coûts.

La vie, la vraie pas celles idéalisées des idéologies des uns ou des autres, nous montre son infinie complexité jour après jour. On comprend dès lors aisément que si nous voulons aller en direction d’un système de santé durable nous n’échapperons pas à une réflexion en profondeur incluant tout les facteurs internes et externes, et ceci de préférence très rapidement vu l’urgence manifeste.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici

Des politiques otages de leur propre créature ?

Cinquième article de la série estivale “politique de santé”

Pendant des décennies, la santé a été un problème individuel, bien souvent pris en charge par des herboristes ou des barbiers, puis, avec l’avènement d’une médecine plus scientifique et donc plus onéreuse, les communautés ont compris l’intérêt de se regrouper pour partager les frais de soins et ont créé des assurances collectives de santé. Le monde politique d’alors n’avait qu’à approuver les remboursements de déficit des hôpitaux publics, peu nombreux, de cette époque.

Dès l’instant où le peuple suisse a accepté le principe de l’assurance obligatoire de soins pour tous et l’a ancré dans un article constitutionnel, cette santé mutualiste est de fait devenue un des objets du travail politique qui, rappelons-le, est au service de la communauté pour en gérer les revenus de l’impôt au profit du plus grand nombre.

Or, gérer la santé, c’est s’exposer à la population toute entière. En effet nous sommes ou serons tous confrontés à un problème de santé à un moment de notre existence, et à ce moment là nous oublierons immédiatement les principes que nous voulions inculquer aux autres : économicité, rationalisation des filières de soins, réflexion commune avant d’engager des traitements lourds.

politique otage phase 1Merci à Maika pour sa participation

Pour le monde politique il en va de même : lorsqu’il faut prendre une décision lourde de conséquences émotionnelles pour la population, mais justifiée par ces principes d’économicité et de rationalisation, le politicien qui souhaite se faire réélire va chercher à procrastiner et à remettre la responsabilité sur d’autres. Les seuls qui ont décidé, en leur âme et conscience, de prendre des décisions difficiles : fermeture de sites, regroupements de maternités par exemple, ont été sanctionnés dans les urnes et disparu du paysage politique. Les exemples dans le canton de Neuchâtel nous le rappellent avec des conseillers d’État tels que M. von Wyss ou Mme G. Ory.

Dans un monde idéal, le porteur d’un mandat électif devrait prendre ses décisions sans aucune arrière pensée ni électoraliste ni de retour d’ascenseur dû à tel lobby ou tel autre. Pour s’en approcher un tant soit peu, il conviendrait de commencer par changer des éléments clefs de notre système démocratique.

Blaise :
Une révolution devrait avoir lieu au niveau de la durée des mandats politiques : ceux-ci devraient être plus longs mais ne plus être renouvelables pour une fonction définie, cela permettrait enfin à nos politiciens de prendre des décisions justes, inévitables, mais totalement impopulaires sans aucune arrière pensée électoraliste.

Laurent :
Pour la part majoritaire de nos erreurs ou atermoiements politiques ne puisent sa source qu’à une seule réalité : la totale irresponsabilité pour ne pas dire impunité de nos élus. La non ré-élection représente la seule sanction à laquelle un élu s’expose. Des erreurs de gestion gravissimes, qui conduirait un chef d’entreprise devant un juge, ne portent nullement à conséquence pour leurs auteurs, dès lors qu’ils sont démocratiquement élus. Un changement, même modéré et avec toutes les cautèles appropriées, sur cet aspect précis transformerait le mode de travail de nos élus pour le bien de tous et pas seulement dans le domaine de la santé.

Malheureusement, force est de constater que nous ne vivons pas dans un monde idéal et que visiblement aucun signe n’apparaît à l’horizon qui irait dans un tel sens.

Dès lors, qui paye commande dit-on. Le politicien de milice, pris entre le marteau des donateurs de sa dernière campagne, et l’enclume de sa ré-élection espérée doit persuader les électeurs du bien-fondé de ses décisions tout en évitant l’irritation de ses mécènes. On sait par expérience que la difficulté de cet exercice grimpe avec l’importance des enjeux et non pas tellement avec la solidité du raisonnement à l’inverse de ce que nous devrions voir dans un monde idéal.

politique otage phase 2

Lorsqu’il se rajoute à tout ceci une émotionnalité exacerbée combinée à une matière hautement complexe jetant dans des controverses multiples les meilleurs spécialistes eux-mêmes, on comprend aisément que les politiciens sensés réguler le système se trouvent en réalité presque complètement désarmés.

Aujourd’hui le lobby de la santé en général, voir plus précisément encore celui des assurances-maladies, démontre à chaque décision du parlement sa puissance presque sans limite. Citons par exemple la décadence du droit manifeste lorsqu’on accorde aux assurances-maladies le pouvoir de lever les oppositions aux commandements de payer qu’elles ont émis devenant de facto juge et partie en contradiction d’un principe fondateur du droit tel que nous le connaissons dans nos démocraties.

Nous nous éloignons de plus en plus du but idéalisé initial, à savoir de garantir des soins de qualité à tous. Aujourd’hui, cette fameuse Lamal réussit même à pousser dans la précarité la frange la plus modeste de la population mais juste en dessus des minimas sociaux et donc n’ayant pas droit aux prestations complémentaires et autres aides comparables et comble du paradoxe celle-ci se voit dès lors contrainte de renoncer à des soins ou une meilleure qualité de vie garante aussi d’une meilleure santé. [1]

Face à une telle réalité, si la classe politique disposait d’une réelle liberté d’action, cela fait longtemps qu’une réaction forte se serait imposée d’elle-même. La glissade continue du système vers le toujours moins acceptable le prouve sans ambages : la classe politique est devenue l’otage de sa créature.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici

Prochain article : Le personnel soignant peut-il encore jouer son vrai rôle ?

[1] émission RTS Temps Présent du 2 mars 2017 « Assurance maladie, ceux qui ne peuvent plus payer »

Des “patients” impatients aux attentes irréalistes ?

Quatrième article de la série estivale “politique de santé”

Durant des décennies, le monde médical a bénéficié d’une aura certaine lui offrant un statut de quasi infaillibilité, tant dans ses diagnostics que dans ses prises de décisions thérapeutiques. C’était l’époque des mandarins universitaires qui géraient leurs services comme des détachements militaires, avec, à leur disposition, du personnel corvéable à merci, aux ordres, n’ayant aucune possibilité d’intervenir dans les décisions du « Patron ». A un niveau moindre, mais avec néanmoins tout autant de pouvoirs, la plupart des médecins de famille régnaient sur la population de ceux appelés à juste titre des « patients ». Cette époque, pas si lointaine puisqu’on peut l’estimer aller jusqu’à la fin des années cinquante, était aussi celle où naissance et mort étaient encore considérées comme des phénomènes naturels; la mort en particulier, se déroulait le plus souvent à domicile, en compagnie des diverses générations familiales, et ne représentait pas un échec thérapeutique de son médecin de famille.

Depuis les années soixante, la médecine a fait de considérables progrès scientifiques qui ont pu donner l’impression que les limites de la vie allaient pouvoir être dépassées quasi indéfiniment, certains philosophes actuels allant même jusqu’à prédire une future éternité. De plus, durant la dernière décade, le monde de l’information a fait, lui aussi, un bond considérable avec l’Internet à portée de tous, permettant ainsi à chacun de grappiller des renseignements médicaux plus ou moins pointus, mais donnant aussi lieu parfois à des interprétations fantaisistes par manque de connaissances de base physiopathologiques.

La société, elle aussi, a beaucoup changé, voyant l’émergence d’une volonté de satisfaction immédiate de ses besoins, une aspiration, dans le domaine médical, à une prise en charge sophistiquée, le désir de ne plus « souffrir » dans son corps et son âme, et la crainte absolue de la sénescence, et a fortiori de la mort.

Ces évolutions inéluctables ont ainsi transformé le « patient » du début du siècle, à la merci du diktat médical, en un consommateur « impatient », avide de nouveautés biotechnologiques et effrayé au plus haut point par sa finitude. Ceci a aussi permis, entre autre, l’émergence d’une « médecine » terriblement lucrative : les soins « anti-âge » et ceux plus généraux de « bien-être ». Dès lors il devient difficile de distinguer les prestations prises en charge par nos mutuelles, nécessitées par des affections allopathiques classiques, de celles issues de cette médecine du bien-être qui, typiquement, devraient être à charge du consommateur.

Par ailleurs, l’angoisse de la sénescence et de la mort entraîne des exigences de soins excessifs dans diverses situations où ne persiste plus aucun espoir d’amélioration et de conservation d’une certaine dignité de vivre et où seule l’acceptation de l’issue fatale serait un choix judicieux et empreint d’humanité. Tous ces exemples de dérive de consommation médicale entraînent bien entendu in fine une croissance des coûts de la santé, imputables, ceux-ci, aux seuls consommateurs de prestations médicales financées par nos assurances maladie mutuelles.

docteur V2
Merci à Amanda pour sa participation

Cette évidence nous amène à une seconde question encore plus incorrecte politiquement : les limites de notre système mutualiste.

Il est actuellement parfaitement établi qu’une bonne part des affections touchant notre population occidentale sont la conséquence directe d’un mode de vie inadéquat. Néanmoins, et ceci pour des raisons purement économiques, nos gouvernements répugnent à légiférer sur certaines toxicités sous le seul prétexte que les industries qui les produisent créent des emplois et génèrent des produits fiscaux. Prenons l’excellent exemple du tabagisme. Une récente étude de l’OMS [1] a montré que cette industrie du tabac coûtait plus de 1000 milliards ( vous avez bien lu mille milliards!!!) de dollars par an ( oui, par année!!!)) à nos économies car l’on s’est enfin décidé à tenir compte non seulement des dépenses de santé mais aussi des coûts engendrés par la perte de productivité due aux malades et aux morts précoces engendrées par le tabagisme. Dans le même temps cette étude démontre que les taxes sur le tabac rapportent environ 270 milliards de dollars par an. Ainsi le tabac coûte aux états quatre fois plus qu’il ne lui rapporte de taxes ! Un jour viendra peut-être où l’on imposera aux tabatiers de payer l’intégralité de ce qu’ils nous coûtent. Le même constat pourrait, de toute évidence,être établi avec l’industrie agroalimentaire qui est le vecteur principal de l’épidémie de maladies métaboliques qui frappe de plein fouet nos économies, avec son cortège d’obèses, d’hypertendus, de diabétiques et d’artériopathes. Or il n’y a que peu de restrictions publicitaires pour la junk food, des distributeurs de sucreries hypercaloriques se trouvent dans toutes les gares et d’autres lieux publics, l’alcool reste une valeur sûre de nos pays, tout cela au nom de cette sacro-sainte liberté du commerce. Or ce mode de vie n’est pas une fatalité et ceux qui cherchent à s’en détourner, qui se forcent à faire du sport et à trouver un équilibre alimentaire vont probablement un jour se révolter contre une mutualité qui n’incite personne à éviter ces maladies de notre société consumériste, et réclamer des primes maladies modulées en fonction des efforts personnels fournis….

Cet état de fait nous amène encore plus loin dans cette réflexion hautement incorrecte politiquement parlant : le rationnement des soins dans certaines situations des extrêmes de la vie. Est-il réellement judicieux de développer des infrastructures hautement dispendieuses pour tenter de réanimer des « enfants » de 26 semaines de gestation, voire moins ? Particulièrement lorsque l’on sait que ceux qui survivront le feront au détriment de nombreuses séquelles [2] qu’ils auront à subir leur vie durant et dont les coûts générés seront, accessoirement, pris en charge par la collectivité mutualiste… Est-il raisonnable de s’acharner auprès de très grands vieillards que l’on décide d’opérer à cœur ouvert pour une qualité de survie détestable. Il est temps de ne raisonner plus qu’en terme de qualité de vie et de dignité humaine et non plus en terme de temps de survie. Gagner trois mois de survie dans de terribles conditions suite à un traitement lourd chimio-thérapeutique pour un cancer terminal est-il préférable à une fin de vie « écourtée » auprès des siens ? Là aussi, on trouve manifestement des possibilités d’économies certaines dans le domaine de la santé.

Les patients ne portent pas seuls la responsabilité de la dérive du système, loin s’en faut, mais s’ils veulent éviter de se retrouver victimes d’une situation ayant atteint un point de non-retour notamment en termes économiques, ils ne pourront faire l’impasse d’une reprise en main de leur propre santé. Pour rappeler une formule connue parfaitement d’actualité ici : quitter le stade de consommateurs pour devenir des consom-acteurs responsables.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici
Prochain article : Des politiques otages de leur propre créature ?

[1] www.who.int/mediacentre/news/releases/2017/no-tobacco-day

[2] www.liberation.fr/france-archive/2008/03/07/grands-prematures-une-vie-au-prix-de-sequelles66741

Il a bon dos le vieillissement !

Troisième article de la série estivale “politique de santé”

On nous répète à longueur de débat que la hausse des coûts de la santé proviendrait essentiellement voire presque exclusivement du vieillissement de la population, car les 2 dernières années seraient celles de tous les coûts à défaut d’être celles de tous les dangers.

Appliquant un peu de logique à cette affirmation, nous restons alors bien songeurs. En effet, si ce sont bien les deux dernières années qui coûtent si chères, en quoi la prolongation de l’espérance de vie peut-elle changer quelque chose ici ? Les deux dernières années restent bien les deux dernières, que l’on vive 70, 80 ou 100 ans. Comme de surcroît, on nous bassine que nous vivons mieux plus longtemps pour rendre les hausses de prime moins insupportables, on voit mal comment on pourrait encore réconcilier l’incohérence entre ces deux affirmations et la froide réalité des hausses massives de prime au fil du temps.

vieille et prince LamalMerci à Amanda pour sa participation

Il suffit d’ouvrir un peu les yeux pour voir que cette posture tient plus du mantra martelé pour cacher ce qui gêne que de quoi que ce soit d’autre.

En discutant avec des oncologues en fin de carrière, ils nous avouent leur désarroi de voir des patients de plus en plus jeunes dans leur salle d’attente. Les jeunes femmes payent un tribu très lourd au cancer du sein alors qu’auparavant cette pathologie, si cruelle, se concentrait sur la classe d’âge au-delà de 50 ans. Chaque grand hôpital universitaire possède maintenant une section d’oncologie pédiatrique, ce qui aurait paru inconcevable il y a seulement 30 ans. Une étude publiée sur The Lancet en 2004 déjà montrait que l’on trouve la plus forte progression des cancer auprès des enfants et adolescents [1]. Une autre étude plus récente encore démontre une accélération de cette tendance [2].

On commence maintenant de trouver dans les EMS des patients n’ayant même pas encore atteint l’age de la retraite. Une exploitante d’EMS ayant chargé un des deux présents co-auteurs de lui organiser la remise de son commerce lui expliquait qu’il s’agissait d’une nouvelle réalité encore jamais expérimentée et que les structures devaient être repensées pour la prise en charge de ces nouveaux cas.

Pour paraphraser Lénine « les faits sont têtus », manifestement quelque chose ne fonctionne plus correctement au niveau de notre société, et notre santé générale s’en ressent.

On suspecte la pollution sous toutes ses formes d’avoir une part de responsabilité importante ici. l’OFSP estime que le coût induit de la seule pollution de l’air sur la santé pourrait atteindre 6 milliards de CHF soit quasiment 10% du coût total de la santé. On peut également imaginer que la masse de molécules chimiques variées que l’on retrouve dans l’eau ne doit pas être innocente non plus.

Citons comme exemple un tabou pour lequel maintenir un débat serein et non partisan s’avère vite très difficile : les hormones dérivées des pilules consommées par nos compagnes impactent gravement la vie aquatique. Or cette eau, nous la consommons jour après jour. Imaginer qu’elles puissent avoir des effets aussi visibles sur la santé de la faune aquatique et que, sans jeu de mot, nous passerions entre les gouttes ne peut être considéré comme crédible.

Définitivement non ! Ceux qui se cachent derrière le vieillissement de la population pour tenter de justifier la frénésie haussière des primes LAMAL, refusent juste de voir la réalité en face. Le problème se révèle beaucoup plus global et de nombreux tabous, comme la pollution sous toute ses formes, les industries irresponsables (malbouffe, tabac, …), la surconsommation médicale, et tant d’autres devront impérativement tomber, faute de quoi, et quelque soit les mesures cosmétiques prises, le système ira vers une implosion à brève échéance.

 Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici
Prochain article : Des “patients” impatients aux attentes irréalistes ?

[1] Geographical patterns and time trends of cancer incidence and survival among children and adolescents in Europe since the 1970s (the ACCIS project): an epidemiological study, Dr. Eva Steliarova-Foucher et all, The Lancet, décembre 2004

[2] Cancer cases in children leap by 40% in 16 years, K. Spencer, Sky News, septembre 2016

Santé : une catastrophe programmée?

Deuxième article de la série estivale “politique de santé”

La dernière augmentation des primes d’assurance maladie en 2016, doublée d’une annonce de hausses potentielles encore plus lourdes en 2017, nous oblige à certaines réflexions. En effet, depuis l’introduction de la LAMAL en 1992, les primes ont été multipliées par un facteur de l’ordre de 4 à 5 alors que le renchérissement selon l’OFS (Office Fédéral de la Statistique) durant la même période n’indique qu’une hausse de 1.17. Ce dernier facteur, presque insignifiant par rapport celui de la LAMAL seule, intègre paradoxalement également celui-ci pour une part. On en conclut facilement que la hausse LAMAL est réellement en train de capter une part toujours plus importante du revenu des ménages.

Au niveau global, les coûts totaux ont récemment dépassé les 70 milliards par année dont schématiquement 50% sont couverts par les primes et le solde par l’État au travers de l’impôt, et par les patients eux-mêmes avec leurs payements de franchise et de quote-part.

Il semble que pour la première fois nous sommes entrés dans une zone douloureuse car des sondages ont montré que jusqu’à 30% des citoyens exprimaient à présent le désir que la LAMAL cesse d’être obligatoire, alors que jusqu’à récemment encore cette fraction de la population restait parfaitement négligeable.

prob croiss primesSource : OFSP + OFS + Bon à Savoir

Cette nouveauté ne puise sans doute pas seulement son explication dans le montant des primes, mais également dans le fait qu’un nouveau discours s’est fait jour. En effet, depuis l’introduction de la LAMAL, ses promoteurs ont toujours affirmé haut et fort que celle-ci allait permettre de juguler “bientôt” la hausse des coûts de la santé. Or, de promesses non tenues en dépassements massifs répétitifs, il a bien fallu l’admettre : l’évolution des coûts ne va pas vers une stabilisation, mais au contraire vers une aggravation des hausses annuelles. Entre le moment où nous avons commencé la rédaction de ce texte et celui de sa parution, soit quelques petites semaines, de nombreux événements publiques sont survenus et montrent que l’enjeu principal se situe maintenant à ce niveau du coût supportable par les ménages. On citera l’annonce de la prochaine hausse des primes prévisible pour 2018 par SantéSuisse de vendredi dernier, ou encore celle de la prochaine initiative du PDC pour tenter de juguler quelque peu la dite hausse.

Le monde politique se borne le plus souvent à expliquer cet état de fait par le vieillissement inexorable de la population ainsi que par les excessives prétentions salariales des prestataires de soins. Ainsi, les principales mesures politiques ont-elles tout simplement cherché à baisser le revenu des médecins : depuis son introduction, en 2002, la valeur du point Tarmed n’a pas augmenté, au contraire, elle a baissé dans plusieurs cantons alors que dans le même temps l’IPC croissait, lui, de 4,7%. Cela ne suffisant bien entendu pas, l’attaque suivante a ciblé le laboratoire de ce même praticien dont le prix du point a été laminé, puis ce fut la marge bénéficiaire des pharmaciens, la valeur à la baisse du point des physiothérapeutes, sans oublier l’introduction des forfaits hospitaliers par cas qui n’ont abouti qu’à une augmentation considérable de la part des soins effectuée en ambulatoire, soins qui sont payés eux, faut-il le rappeler, uniquement par les assurances maladie et les patients eux-mêmes… Ces mesures de « rationalisation » n’ont eu jusqu’à présent aucune efficacité sur la spirale inflationniste des coûts helvétiques de la santé. Il convient donc de chercher d’autres causes, dans des domaines beaucoup plus incorrects politiquement parlant : tant sociologiques que philosophiques.

Dans cette réflexion, nous voulons parcourir dès lors des thèmes aussi sensibles que la peur de la mort, les raisons profondes des scandales médicaux à répétition, les conflits d’intérêts existant entre l’industrie et ceux sensés la contrôler, les motivations à court terme des carriéristes politiques les conduisant à privilégier des mesures cosmétiques, et enfin le rôle trouble des caisses maladie.

A l’heure actuelle, notre pays mobilise plus de 11% de son PIB annuel pour la santé. Au vu de son caractère obligatoire, on peut comparer ce coût à un supplément de fiscalité, or on sait par l’expérience qu’à partir d’un certain seuil de prélèvement, les rouages de l’économie se grippent. Nous ne pourrons dès lors pas faire l’impasse d’une remise en cause de certains aspects qui nous semblent pourtant aujourd’hui non négociables. Ce sujet appartenant simultanément aux plus clivants du paysage politique ainsi qu’à la sphère intime de chacun, le débat est régulièrement pollué par des positions dogmatiques, sans même parler de l’influence toujours grandissante des acteurs économiques de la santé.

Par ailleurs, la question ne se limite pas aux seuls aspects économiques. En effet, on l’oublie trop souvent mais quand on parle du rapport coût – bénéfice d’une thérapie, on ne pense pas prioritairement argent dépensé et/ou investi, mais bien effets secondaires et qualité de vie versus amélioration recherchée de l’état du patient.

Les réactions épidermiques à certaines études récentes (comme par ex. l’évaluation critique du rapport coût-bénéfice du dosage PSA systématique – cancer de la prostate – ou en parallèle chez la femme celui d’une politique de mammographie intensive dès un certain âge – cancer du sein -) prouvent que certains thèmes relèvent du tabou absolu, alors qu’une analyse non partisane des éléments démontrés par ces études permettrait de corriger le tir maintenant plutôt que devoir « jeter le bébé avec l’eau du bain » plus tard.

Aujourd’hui, nous aimerions établir que seule une analyse en profondeur des responsabilités propres à chacun des divers acteurs impliqués peut permettre une avancée réelle à même d’éviter une arrivée dans une impasse économique, médicale, politique, ainsi que philosophique.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières de la série : ici
Prochain article : Il a bon dos le vieillissement de la population!

En préambule un petit mot d’explication

Premier article de la série estivale “politique de santé”

On attaque en douceur en vous présentant nos motivations profondes et leurs justifications ou tout au moins origines.

Blaise :

Médecin confronté depuis de nombreuses années à la difficile politique de santé de notre pays,- avec toute la charge émotionnelle et les implications éthiques que cela représente-, j’ai eu grand plaisir à échanger des points de vue à ce propos avec Laurent ; au début lors de débats contradictoires de nos campagnes politiques respectives, puis lors de réunions informelles et amicales. Qu’il soit ici remercié de son ouverture d’esprit et félicité de sa curiosité scientifique insatiable.

Certes nous ne sommes pas toujours sur le même diapason dans divers domaines, mais nous avons en commun une forte volonté de rechercher, sans aucun tabou et avec même une réelle jubilation iconoclaste, des pistes pour tenter d’affronter les « tempêtes sanitaires » qui sont très prochainement programmées dans notre pays.

Laurent :

Si mes lecteurs habituels pourront être un peu surpris de me découvrir en train de m’aventurer dans le domaine de la santé, ceux qui me connaissent plus personnellement savent que cette thématique m’intéresse fortement. Elle touche en effet des questions éthiques, morales, scientifiques, ou encore économiques, toutes essentielles pour elles-mêmes, mais qui, plus encore, réunies conduisent à une réflexion sur la durabilité de nos sociétés.

Cela fait longtemps que j’échange avec des médecins qui me présentent un tableau bien différent de l’image bisounours présentée par les médias, mais qui refusent de s’investir dans une vraie remise en question du système préférant privilégier leurs carrières personnelles. Lorsque j’ai rencontré l’invité de ce thème, Blaise Courvoisier, nous étions adversaires dans une campagne pour les élections fédérales. Blaise, et même si nous assumons nos différences voire peut-être divergences, m’a montré son ouverture d’esprit, sa capacité de dialogue et sa volonté de réfléchir à un problème qui peut paraître encore un peu lointain, mais qui va s’approcher rapidement. Dans tout les cas, je le remercie ici chaleureusement pour sa participation.

On ne peut exclure que sur certaines questions nous ne puissions trouver un consensus mais devions proposer des points-de-vues alternatifs. Cela ne doit pas être considéré comme un échec, car dans un domaine habité par d’aussi forts champs de tension que la médecine ou santé, seul celui qui reste au niveau des banalités les plus grisâtres ne choquera jamais personne.

thermometre malade

Ensemble :

Notre but n’est pas de choquer pour choquer. Ne pensez pas que nous sommes sans cœur lorsque par ex. nous posons la question de savoir si certains soins ne vont pas trop loin. Un traitement médical apporte des bénéfices, mais il induit souvent aussi des souffrances post-opératoires ou des effets secondaires à long terme. Oser questionner le résultat global au lieu de pratiquer une politique interventionniste sans discernement montre certainement plus de compassion humaine que le contraire.

L’ensemble des articles à paraître forme un tout cohérent. Nous ne pensons pas qu’un acteur plutôt qu’un autre porte l’entier de la responsabilité de la dérive du système. Actuellement, les assureurs rendent les patients consommateurs responsables, les médecins le politique, les politiques le vieillissement, les patients les assureurs, et ainsi de suite. Et si une fois, on se décidait à observer l’ensemble du tableau plutôt que juste le dernier coup de pinceau ?

Bio express

Blaise Courvoisier est né le 13 juin 1955. Après une formation en chirurgie générale, il a travaillé en cabit de groupe chirurgical et est aussi devenu le Président du Conseil d’Administration de la Clinique de la Tour à La Chaux-de-Fonds durant de nombreuses années. Cette activité ayant pris fin en 2013, il apporte ses compétences de soignant à temps partiel au bénéfice de la KFOR (OTAN).

Laurent-David Jospin, né le 25 février 1967, a participé à la création du parti Vert’Libéral Neuchâtelois en 2012 en tant que membre-fondateur. Il défend sa vision d’un monde plus durable et plus libre au travers de son blog www.ouvrirlesyeux.ch depuis 2013.

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Table des matières : ici
Prochain article : Santé : une catastrophe programmée ?

Et quand c’est la politique de santé qui est malade, on fait quoi au juste ???

Pour accompagner mes lecteurs durant leurs vacances estivales, nous vous avons concocté non pas un article ni même deux ou encore trois, mais bien toute une série sur le thème de la santé à comprendre comme la politique de santé au sens le plus large possible.

Un invité m’accompagne durant ces quelques semaines, à savoir Blaise Courvoisier chirurgien très apprécié à La Chaux-de-Fonds notamment. Sa présence permettra d’élargir le débat en incluant une vision complémentaire à la mienne.

Et pour rentrer dans le vif du sujet, voici à quoi vous attendre sous la forme d’une mini-table des matières :

En préambule un petit mot d’explication

Publication réalisée  le 10.7.2017

Santé : une catastrophe programmée ?

Publication réalisée le 21.7.2017

Il a bon dos le vieillissement de la population !

Publication réalisée le 30.7.2017

Des “patients” impatients aux attentes irréalistes ?

Publication réalisée le 10.8.2017

Des politiques otages de leur propre créature ?

Publication réalisée le 21.8.2017

Le personnel soignant peut-il encore jouer son vrai rôle ?

Publication réalisée le 1.9.2017

Les caisses d’assurance prises dans un conflit d’intérêt patent ?

Publication réalisée le 10.9.2017

L’industrie lancée dans une fuite en avant sans fin ?

Publication réalisée le 20.9.2017

Les pharmas nous veulent-elles vraiment du bien ?

Publication réalisée le 30.9.2017

Comment imaginer un système de santé durable ?

Publication réalisée 10.10.2017

Cette table des matières sera mise à jour à chaque publication d’un post  avec le lien direct et vous permettra donc de tout retrouver rapidement.

En espérant avoir éveillé votre intérêt …

Blaise Courvoisier et Laurent-David Jospin

Le Grand Méchant Loup est sorti du bois, et il ment!!

Dans le cadre du débat public relatif à notre initiative populaire “pour une fiscalité écologique à la place de la TVA”, nous ne nous attarderons pas sur notre brave Conseil Fédéral pris la main dans le sac d’annoncer des chiffres manifestement totalement erronés (ce qui pourrait bien faire l’objet d’un autre post prochainement), mais sur les promesses de notre Conseillère Fédérale en charge des Finance nous promettant une autre taxe écologique soi-disant tout à fait efficace et beaucoup plus supportable au niveau de la population que celle proposée par les vert’libéraux.

Regardons cela d’un peu plus près! La taxe incitative pour l’essence annoncée se situerait donc à 28 centimes. Rappelons ici qu’il s’agit bien d’une taxe supplémentaire puisqu’à l’inverse de notre solution, aucune autre taxe n’est ni supprimée ou même simplement abaissée.

Évidemment, en première apparence 28 centimes semblent beaucoup moins élevés qu’un francs et quelques (environ 1.10). Mais voilà les apparences sont bien trompeuses, car ces 28 centimes représentent pour une famille modeste avec une voiture pas trop récente réalisant 25’000 km par an dont une part importante en trafic urbain plus de 45.– de charge supplémentaire mensuelle (25’000 km * 8lt/100 * 28 cts / 12 mois), alors que notre initiative “pour une fiscalité écologique à la place de la TVA ne conduit qu’à un supplément de charge de 13.– pour le cas le plus défavorable (voir document détaillant le calcul de l’impact sur les ménages)

Mais il y a beaucoup plus grave! Cette taxe supplémentaire promise par Madame E. W.-S, ne possède aucun effet incitatif réel, car elle se situe à un niveau inférieur aux variations usuelles du prix de l’essence elle-même, dont il est manifeste qu’elles n’ont jamais conduit à des baisses durables (pour être précis, il faut parler du couple essence + diesel, car la consommation d’essence a bel bien baissée mais au profit du diesel). Examinez bien le graphique ci-dessous sur une période d’un peu plus de 10 ans, on voit des variations de prix très élevées, la différence entre le minimum et le maximum s’approchant d’un franc.

Alors que la consommation de carburant reste globalement totalement stable!!! Les deux graphiques qui suivent le démontrent on ne peut plus clairement :

 

Dès lors ces 28 centimes annoncés par notre ministre des finances appartiennent donc sans aucun doute possible à la catégorie des leurres! Ils ne conduiront qu’à une augmentation de la fiscalité et de la bureaucratie, en clair tout le contraire de notre initiative. Et bien sûr, pas de gâteau sans cerise! La solution préconisée par notre ministre conduira également à un retard de notre pays dans les industries d’avenir représentées par les cleantech. Pour ma part, je ressens un fort sentiment de déjà vu, lorsque certaines forces politiques ont cru sensé de s’accrocher à l’intégralité du secret bancaire avec au final une perte totale sans aucune compensation, alors qu’il eut été possible d’en obtenir, et même des intéressantes!, si le processus  avait été initié en temps utile.

Pour évitez un gâchis innommable, le 8 mars votez OUI et faites voter OUI à l’initiative des vert’libéraux visant à supprimer la TVA et à la remplacer par une taxe écologique sur les énergies non renouvelables.

Laurent David JOSPIN

ECOPOP ou la tentation de la fausse bonne solution

Récemment, j’ai eu l’occasion de participer comme orateur à des débats sur l’initiative connue sous le nom Ecopop, dont le titre complet réel est “Halte à la surpopulation – oui à la préservation durable des ressources naturelles“.

La dernière présentation dans le cadre du parti vert’libéral neuchâtelois était particulière à plus d’un titre. En premier lieu, car si je défendais la position de notre comité directeur national, pour cette fois exceptionnellement la responsabilité de présenter les arguments des initiants m’incombait également. Et d’une manière générale, même si je n’adhère pas du tout à la solution préconisée, il n’en reste que sur le constat de base posé par les initiants, je ne puis qu’admettre la pertinence des craintes soulevées.

L’exercice de vous faire revivre dans un post écrit une conférence pensée oralement accompagnée d’une présentation constituée essentiellement d’animation relève clairement de la gageure. Toutefois, en simplifiant la présentation et en restant à un niveau relativement superficiel du discours, j’espère pouvoir vous donner un aperçu satisfaisant. Donc, en clair vous ne voyez ici pas toutes les diapos, ni n’avez le discours complet, mais juste une sélection espérée la plus pertinente possible. Le texte lié à chaque image se trouve en dessous.

Sans exagérer dans l’auto-encensement , il me semblait pertinent de relever que j’ai une bonne légitimité à traiter ce sujet. Ma responsabilité de  co-dirigeant du groupe de travail sur la thématique “croissance économique infinie dans un monde fini”, ainsi que la très longue séance d’échanges à Zürich avec Monsieur Benno Büeler membre influent du comité d’initiative ont notamment contribué à me faire étudier le sujet comme très peu l’ont fait.

Voici l’image choc utilisée par ECOPOP pour soutenir leur argumentation, une pauvre petite planète écrasée par une empreinte environnementale humaine (footprint en anglais) visiblement très, voir trop, lourde.

Ce strip résume un des credo de l’association Ecopop : parler de contrôle de la population humaine est tabou et n’entre donc pas en ligne de compte. On peut d’ailleurs relever que le nom même de l’association ne dit pas autre chose, puisqu’il s’agit de la contraction d’écologie et population.

Voilà ce fameux texte d’initiative. Lors de la présentation orale,  je ne me gêne pas pour souligner ma déception de voir les initiants attaqués par des faux arguments. Je sais bien qu’en politique la forme l’emporte souvent sur le fond, mais c’est un jeu à double tranchant, car si la population s’en rend compte, alors l’entier de votre message est entièrement décrédibilisé. On pense ici essentiellement à la polémique liée à la partie de l’initiative voulant mettre à disposition des solutions de planning familial à ceux qui sont demandeurs et ne disposent pas d’un accès satisfaisant à de telles solutions.

Voici les arguments les plus volontiers mis en avant par le comité d’initiative. Il s’agit manifestement d’arguments vendeurs et qui vont toucher Madame et Monsieur tout le monde lorsqu’il n’y a plus de place assise dans le train, ou que l’on trouve pas de logement satisfaisant, ou qu’il n’y a plus de place dans les crèches, …. On peut relever que certains de ces arguments ont un caractère légèrement subjectif comme par ex. au sujet de la croissance de la population mondiale : est-il vraiment intrinsèquement mal que la population mondiale ait augmenté et ne devrait-on pas plutôt se réjouir de la baisse de la mortalité infantile et la prolongation de l’espérance de vie …

Cette série d’arguments, beaucoup plus pertinents de mon point de vue, apparaissent moins dans la propagande d’Ecopop. Scientifiquement parlant, on peut presque parler d’arguments “coup de poing”, mais manifestement ils restent moins accessibles au public. En conférence, je les détaille et explique un peu plus en fonction du type d’audience. Certains points pourraient faire l’objet d’un post spécifique à futur dans ce blog.  Mon affirmation comme quoi le constat posé me convainc se rapporte clairement à ce volet de la réflexion scientifique qui se cache derrière l’initiative Ecopop.

Pour introduire, la réflexion nous occupant principalement revenons-en à la base de la problématique. L’initiative rentre clairement en tension avec un concept omniprésent dans les paysages politiques et économiques de notre temps, soit cette fameuse croissance objet de tout les phantasmes et autres désirs inavouables. Il me semble difficile de trouver un exemplaire quotidien d’un grand média national dans lequel le concept n’est pas utilisé plus qu’une fois dans un article ou l’autre.

Oui, quand on parle de croissance, on parle en fait directement de nos équilibres sociétaux ou autrement dit de notre filet social, car tel qu’il est conçu actuellement, il ne peut être assumé que grâce à une croissance, et même une croissance relativement forte.

Autrement exprimé, on peut considérer que croissance signifie paix sociale. Le vrai problème tourne autours de notre dépendance à cette croissance. En pratique, une absence de croissance ou même une croissance modeste conduisent directement à une hausse du chômage et autres problèmes sociaux. Si l’on compare notre société au sens large à une PME quelconque, presque personne ne contestera que si celle-ci dépend impérativement d’une hausse continue de son chiffre d’affaire pour éviter de faire faillite, il s’agit manifestement d’une fuite en avant.

Partant de là, je vous  propose de nous intéresser à la réflexion mathématique sous-jacente à la vision de l’association Ecopop. Lorsque nous avions rencontré M. Benno Büeler avec notre groupe de travail Croissance, il avait bâti la majeure partie de sa réflexion sur la fameuse formule I=PAT connue depuis les années 70.  Cette formule décrit en terme généraux l’impact de l’humanité I sur l’environnement égal à un multiplication de 3 facteurs dont P pour la population, A affluence en langue anglaise soit plus ou moins le niveau de vie ou de consommation, et enfin T pour la technologie soit le niveau d’extraction ou sollicitation des ressources primaires par unité de richesse. Cette équation n’est pas contestable en elle-même, mais dis crûment on peut considérer qu’elle ne sert à rien car beaucoup trop synthétique pour générer des résultats exploitables.
L’équation présentée sous la ligne inférieure a déjà été traitée dans ce blog, il s’agit de la fameuse équation de M. Yoishi Kaya (voir Une équation prédit l’enfer sur terre, voulez-vous jeter un coup d’oeil? (série à suivre)). Paradoxalement, on peut admettre que celle-ci est un cas particulier de I=PAT. Dans I=PAT, le I est tellement vaste et recouvre des notions tellement complexes d’une part, et le facteur T tellement abstrait qu’il se révèle impossible de bâtir un raisonnement permettant de manière claire savoir simplement quoi faire avec des deux paramètres.  Et forcément dès lors, on arrive à une conclusion biaisée énonçant que la seule possibilité nous restant consiste à travailler sur la quantité de population.

Si l’on reprend le message d’Ecopop un peu plus en détail dans le cas concret examiné soit les émissions de CO2 et donc le réchauffement climatique, on découvre que les initiants posent le constat suivant dans l’optique d’une recherche de solution à ce problème existentiel :
– le passage aux renouvelables est un échec car il y a trop de freins variés,
– l’efficience énergétique est un leurre car la combinaison de l’accroissement du niveau + population conduit à ce que les maigres gains d’efficience sont plus que perdus au final,
– enfin il est observé que vouloir réduire le niveau de vie moyen est illusoire, et qu’au contraire on peut s’attendre à une hausse généralisée, car des populations entières de la planète n’aspirent qu’à une seule chose, soit nous rattraper sur ce plan également.

L’analyse d’Ecopop est partiellement correcte sur les facteurs Etot/PIB et PIB/POP, mais complètement fausse sur la considération du facteur POP. En effet, il est maintenant clair que si nous voulons sauver le climat de la planète, une réduction même importante des émissions de CO2 ne suffira pas. Un seul objectif s’impose maintenant à nous, soit le zéro émission! (à noter : le dernier rapport du GIEC paru le dimanche 2.11.2014 ne dit pas autre chose!) Dès lors imaginer pouvoir travailler avec le facteur POP signifierait en pratique la disparition de la race humaine, perspective peu réjouissante s’il en est!

Non, la solution se cache dans le facteur CO2/Etot et notre véritable objectif est bien de passer au 100% renouvelable le plus vite qu’il sera possible. On relèvera que les vert’libéraux sont le seul parti proposant une solution concrète et réaliste à ce  challenge au travers de notre initiative TE-TVA.

En trois diapos, j’aimerais rendre cette question la plus visuelle possible. Aujourd’hui notre économie fonctionne, majoritairement, sur le mode “je puise dans une ressource (le seau dans l’image) pour consommer respectivement faire fonctionner l’économie et je jette”. Quelques fois, une subtilité se glisse dans le raisonnement, comme par exemple lorsqu’on réutilise les cornets plastiques jetables des grandes surfaces pour alimenter des chauffages à distance. Il n’en reste que cela ne change rien au final, une ressource est consommée et définitivement perdue au bout de la chaine.

Il n’y pas besoin d’être grand druide aurait dit Astérix, pour comprendre que, tôt ou tard, la ressource aura tari. En conférence, je me permet quelques commentaires sur la signification de la présence des mouches au-dessus du seau, mais là je laisse tout cela à votre imagination.

Visuellement, quelque soit la ressource considérée, nous devons organiser le fonctionnement de notre société pour atteindre un mode circulaire dans laquelle la ressource retourne au stock initial. Dans le cas du CO2, cela signifie simplement passer au tout renouvelable. Le même raison peut et doit être posé pour toutes les ressources considérées.

Un peu contraint et forcé, je résume, à l’attention des assemblées, m’ayant sollicité quelques arguments clefs de nature nettement plus politique. Ces arguments ne sont certes pas faux en soit, mais je ne puis m’empêcher de les trouver un peu courts, quand sur l’autre plateau de la balance on considère un risque environnemental majeur pour la planète entière.

Toutefois, je ne me prive pas d’insister sur l’importance de réellement et rapidement mettre en place un mode de fonctionnement permettant d’adresser les problèmes soulevés par les initiants.

La situation montrée par les initiants, et manifestement gravement obérée, met en danger nos sociétés voir peut-être pire encore. Toutefois, la solution proposée se révèle illusoire car toute baisse de la population serait premièrement insuffisante pour obtenir le moindre résultat positif, mais aussi automatiquement compensée par une hausse de la consommation un peu à la manière de l’effet rebond que je décrivais mes posts sur l’équation de Kaya.
Le mécanisme sous-jacent à TE-TVA représente la vraie lumière au bout du tunnel. Ce mécanisme peut et doit s’imposer progressivement pour toutes les ressources non renouvelables que nous souhaitons exploiter, que cela soit le climat, les stocks de poissons dans les océans, la pureté de l’air que nous respirons, …

En espérant vous avoir apporté une contribution utile, et bien évidemment en restant très volontiers à votre disposition pour poursuivre le débat.

Arrivé à la fin de cette rédaction, en la faisant relire par des proches n’ayant assisté à aucune de mes prestations “live”, je suis rendu compte de la difficulté de trouver le niveau de détail juste pour une version écrite. Face à une assemblée, le conférencier voit les visages interrogatifs, souriants, dubitatifs, s’endormant, passionnés … On peut facilement s’adapter, rentrer dans des explications plus détaillées pour éclairer un point ou l’autre, ou au contraire accélérer si tout semble trop facile pour l’auditoire. Ici le statique impose sa loi, alors surtout n’hésitez pas à prendre contact pour débattre de tout aspect le méritant.

Laurent-David Jospin

Lutte contre la pauvreté, et si on retournait la crêpe ….

Alors que nous annonçons avec fierté des résultats apparemment très positifs comme une croissance de x%, ou un revenu moyen ou médiant ayant augmenté de tant, ou une richesse globale dépassant un nouveau seuil, force est de constater que jamais nous n’avons dû dépenser autant pour l’aide sociale. Étrange paradoxe!

La lutte contre la pauvreté, quelque soit sa manifestation chômage pur et simple ou précarité du travail ou statut de working-poor ou encore … , appartient aux thèmes récurrents et centraux des débats politiques aussi bien dans notre petite Helvétie que dans le reste du monde.

Si l’on étudie un peu les solutions proposées par la gauche ou la droite classiques, on constate que d’une manière générale l’accent est mis sur l’idée de hausse des revenus. Mille et une solutions, quelques fois très créatives, sont imaginées pour soit favoriser, stimuler, encourager, voir même forcer une hausse des salaires. On oppose souvent création de richesse (plutôt à droite) contre re-distribution (plutôt à gauche).

Le minuscule problème, que tout le monde semble avoir oublié, reste que cela ne sert strictement à rien si le coût de la vie progresse dans la même proportion ou pire davantage.

Je suis certainement favorable à la création de richesse si elle  ne s’obtient pas au détriment de l’environnement et partant des générations futures, et tout autant favorable à une redistribution équitable et appropriée, tant et aussi longtemps que l’on ne tombe pas dans la spoliation et l’injustice crasse.

Mais peu importe, les faits sont têtus si votre salaire a augmenté de CHF 2’500.– à CHF 3’000.– et que dans le même laps de temps le kg de pain est passé de CHF 2.50 à CHF 3.50 votre situation ne s’est pas améliorée. (bien sûr, il s’agit ici d’une approche très simplifiée, mais seuls les esprits chagrins feront semblants de ne pas me comprendre)

Plus je pédale moins vite, moins j’avance plus fort ?!?!?

Or voilà l’indice des prix à la consommation ne reflète pas la réalité des couches inférieures de la population, ni même peut-être la réalité tout court. Un petit exemple édifiant : dans le mix de biens et services censés représenter le panier de la ménagère, vous trouvez une position couvrant l’électronique courante (ordinateur, téléphone mobile, ….), or le calcul prend en compte que l’ordinateur que vous achetez en 2014 est 2* plus puissant que celui de 2012 et donc à prix strictement égal, le calcul de l’indice se réalisera en prenant en compte une baisse de 50% de la position “informatique”, alors bien que lorsque vous êtes chez votre revendeur IT vous ne pouvez pas “couper” en deux l’ordinateur au prétexte que la moitié de sa puissance vous suffirait. Sans même parler de ce que je vous décrivais dans mon dernier post sur l’obsolescence programmée http://www.famillejospin.ch/ouvrirlesyeux/?p=576.

La douloureuse conclusion de ce qui précède correspond à dire que la classe la moins favorisée de la population peut se trouver dans une situation plus pénible que précédemment tout en se faisant dire que sa situation devrait quand même s’être améliorée puisque les statistiques générales l’affirment. Quelques signaux semblent ici tout de même assez clairs. Il y a d’abords ce bruit de fonds dans la vox populi comme quoi une fois que l’on a payé ses impôts, sa caisse maladie, son loyer, plus quelques autres incontournables il ne reste plus grand chose dans le porte-monnaie. Les médias se sont aussi récemment fait l’écho d’une augmentation importante des charges de l’aide sociale.

On évite de trop parler de cette partie réellement complexe du problème, car peu vendeur sur le plan politique, mais de fait presque personne n’ose nier la réalité de ce phénomène. En conséquence, il y a aujourd’hui une quasi unanimité sur l’échiquier politique sur la nécessité d’avoir de la croissance pour en quelque sorte gagner une certaine paix sociale. Tout notre système économico-politico-social a été conçu dans cette optique. On peut même parler d’enjeu majeur puisqu’à pratiquement chaque décision, ou votation populaire pour nous autres helvètes, on s’inquiète en premier lieu de savoir quel impact cela aura sur la croissance.

Si on “retourne la crêpe”  de notre problème pour voir quelle est l’aspect de l’autre face, on est obligé de constater que nous sommes gentiment en train de la carboniser cette partie  cachée pour que la face visible se présente en apparence au mieux.

Pour que le filet social global mis en place tienne, il nous faut de la croissance, y compris une croissance de la population. Non seulement cette croissance, et tout spécialement de la manière dont nous l’obtenons au jour d’aujourd’hui, endommage gravement notre environnement et donc celui de nos descendants mais en plus une dépendance manifeste et de plus en plus aiguë  rend tout ajustement du système hautement périlleux aussi bien politiquement, qu’économiquement et socialement. Il me semble que parler de fuite en avant n’est pas une exagération.

Si nous désirons sincèrement faire quelque chose de bien pour les défavorisés présents et futurs, il est essentiel de travailler deux aspects de nos équilibres sociétaux :
– soit premièrement réussir à mettre en place une société dans laquelle la croissance est un bonus non indispensable, et
– simultanément maintenir une possibilité de vivre décemment à un niveau de coût correspondant aux salaires planchers de notre population.

Si l’idée de base reste relativement simple, malheureusement sa concrétisation relève, aujourd’hui, un peu de l’utopie. Toutefois, ne pas prendre le chemin qui peut nous mener à un tel résultat serait une erreur majeure. Car, augmenter la pression dans un chaudière sans limite, ne peut conduire qu’à un seul résultat : l’explosion de la dite chaudière.

Des pistes existent et certaines font même déjà l’objet de débats mais en général pour d’autres raisons que celle de lutter contre la pauvreté stricto sensus. Elles possèdent pourtant toutes une qualité évidente dans l’optique de soit ne “pas trop charger le bateau” ou de garantir sa durabilité (ce deuxième aspect correspondant à ne pas trop le charger non plus mais à futur). On pourrait citer par exemple :

  • Repenser notre système de santé publique pour privilégier l’augmentation des années en bonne santé plutôt que l’augmentation tout court.
  • Flexibiliser notre système de prévoyance vieillesse pour permettre, voir inciter, à ceux qui le peuvent ou le souhaitent de conserver une part d’activité plus longtemps qu’actuellement.
  • Bien évidemment basculer notre société de consommation vers une société d’investissement comme l’appelait mon post sur l’obsolescence programmée cité ci-dessus.
  • Révolutionner notre agriculture en lui faisant intégrer les concepts de la permaculture, car épuiser nos sols et nos biotopes équivaut à gravement appauvrir nos enfants et tout ceux qui suivront.
  • D’une manière générale concevoir nos utilisations des ressources naturelles comme des cycles devant être fermés!
  • Réorienter la taxation fiscale pour cibler les impacts sociaux ou environnementaux de la création de richesse plutôt que la création de richesse elle-même.
  • Et bien d’autres encore …

Toutes ces mesures, et parfois contrairement aux apparences, s’attaquent aux causes profondes de la pauvreté plutôt qu’au symptômes. Et la médecine nous a bien appris que lutter contre les symptômes plutôt que les causes ne permettra jamais de guérir vraiment.

Encore une fois, je reste tout à fait conscient que certaines des pistes évoquées relèvent d’un idéal peut-être assez lointain. Mais permettez-moi alors de compléter l’observation et dire qu’il s’agit là d’une raison supplémentaire pour se mettre le plus vite possible en chemin afin d’atteindre le but sans retard. Finalement, la lutte contre la pauvreté relève d’une logique très similaire à la préservation de l’environnement, plus longtemps on cache les problèmes sous le tapis, pire sont les conséquences.

Voilà, j’espère avoir retourné la crêpe une première fois pour vous montrer la face cachée de nos équilibres sociétaux, et ensuite une deuxième fois pour crier que cela n’est pas une fatalité mais qu’un autre chemin existe, différent des pseudos-solutions rabâchées depuis des années qu’elles soient de gauche ou de droite.

Laurent-David Jospin

L’obsolescence programmée entre escroquerie et crime contre l’humanité

Récemment, mon fils ainé a partagé avec moi des informations circulants sur des sites spécialisés informatiques, pour les intimes site de geek¹. Or voici, il semblerait qu’une marque de téléphonie mobile se prétendant très fruitée aurait intégré des mécanismes visant à diminuer les performances de la génération précédente ( génération n) en place dans le marché, quand la génération suivante (ou n+1) était mise en vente.

Techniquement parlant, il n’y a aucune difficulté majeure à réaliser un tel tour de passe de passe. Par contre,  bien évidemment sur les plans environnementaux et moraux, il en va tout autrement.

Peut-être qu’il y a un tiroir chez vous avec cet aspect ?

Pour l’aspect environnemental, on peut tergiverser en long et en large en argumentant sur le recyclage, mais les faits sont têtus. Chaque nouvelle génération de téléphone mobile crée un appel d’air sur le marché et le nombre de téléphones en circulation augmente (vous connaissez d’ailleurs certainement, tout comme moi, des personnes ayant 2 ou 3 voir 4! appareils). Et puis lors du recyclage, il reste toujours une perte qui, même si petite à l’unité, cumulée sur des centaines de millions d’unités au niveau planétaire finit par représenter une charge environnementale très significative. Et encore, je ne vous parle même pas de l’énergie grise investie dans l’appareil, qui elle passe complétement à la trappe lors de la destruction de l’appareil.

Mais dans un cimetière de déchets électroniques cela devient ça !!!

Sur le plan moral, voir même juridique, on constate, pour rester simple, que le fabricant vend un produit en promettant une qualité (la performance de l’appareil vendu), tout en mettant en place un mécanisme à l’insu de l’utilisateur visant à s’assurer que la dite qualité pourra lui être enlevée dès que le fabricant le jugera favorable à la marche de ses affaires. Si un tel comportement ne relève pas de la tromperie, je me demande bien ce qui pourrait être considéré comme tel.

Il me semble que je les entend d’ici toutes ces voix grommellantes “ouais ouais bien sûr, mais il faut bien donner du travail aux gens …” argumentant donc que cette obsolescence programmée aurait des vertus sociales.

Je voudrais affirmer ici que le contraire est vrai. Sur le plan social également, l’obsolescence accélérée conduit à une obération du plus grand nombre. Si on en reste à l’exemple du téléphone mobile, on sait aujourd’hui que la part de main d’œuvre est presque insignifiante par rapport au prix de vente de l’objet. Ainsi le montant total reversé en salaire sera de toute façon très largement inférieur au prélèvement devenu, par acte de force, obligatoire dans le revenu disponible des ménages.

On peut aussi l’exprimer en rappelant le principe physique énonçant que toute machine physique possède obligatoirement une perte. Plus la machine réalise de cycle, plus il aura été nécessaire d’injecter d’énergie dans le système. Transposé dans le monde économique, cela signifie plus il y a de cycles réalisés, plus on épuise la planète au détriment des générations futures.

Finalement, cela reste très intuitif, plus les fabricants trouvent des “combinazione”, légales, morales, ou non, pour nous contraindre à l’acte de renouvellement de nos achats plus nous nous appauvrissons.

L’obsolescence programmée est donc un crime contre l’environnement et donc en fin de compte un crime contre l’humanité, une escroquerie patentée, mais aussi un acte profondément anti-social, car s’il touche toutes les catégories de consommateurs, c’est bien les plus défavorisés qui en souffrent le plus.

Laurent-David Jospin

¹ : site de férus d’informatique s’échangeant des informations que les constructeurs cherchent à dissimuler ou au minimum ne donnent pas publiques spontanément.